Société

Prendre la mesure des conséquences des discriminations

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Annoncée par le président de la République début décembre en réponse à l’émotion suscitée par l’agression de Michel Zecler par des policiers, une Plateforme internet et un numéro de téléphone pour signaler les discriminations ont été lancés le 12 février. Placés sous l’égide du Défenseur des droits, ces dispositifs attestent d’une prise de conscience de l’enjeu des discriminations par l’exécutif, mais tardive. En effet, compte tenu de l’ampleur des conséquences induites par l’expérience répétée des discriminations que connaissent nombre de Français, l’action publique antidiscriminatoire reste modeste.

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Ces derniers mois, on a accordé une grande attention aux violences policières, de la mise à mort de George Floyd au passage à tabac de Michel Zecler et les mobilisations que ces événements ont suscitées, poussant le gouvernement à organiser un Beauvau de la sécurité et à lancer une nouvelle plateforme de lutte contre les discriminations. Ces épisodes montrent que les discriminations demeurent un mal lancinant qui fracture la société française. Alors que certains élus et universitaires considèrent qu’on accorderait désormais trop de place à la question raciale, l’enquête que nous avons menée ces dernières années témoigne à l’inverse de l’indifférence dans laquelle se perpétuent ces pratiques aussi fréquentes qu’illégales.

Banalité des expériences discriminatoires pour les minorités

Nous avons conduit entre 2015 et 2018 une enquête dans six quartiers populaires en France (et trois à l’étranger), afin de saisir comment les individus réagissent aux expériences discriminatoires qu’ils peuvent connaître[1]. Pour ce faire, nous avons notamment mené 245 entretiens biographiques avec un panel diversifié d’habitant·es de ces quartiers. Pour éviter qu’ils soient biaisés, les entretiens n’étaient pas centrés sur la question des discriminations et du racisme, mais sur la vie dans le quartier et la trajectoire scolaire, résidentielle et professionnelle. Il s’agissait ainsi de déterminer si la discrimination surgissait spontanément dans les propos des individus et d’appréhender la place qu’elle occupait dans leur quotidien. De fait, près d’une personne sur six a abordé spontanément ces questions, comme s’il était impossible de mettre en récit sa trajectoire biographique sans mentionner discriminations et stigmatisations.

Quand nous abordions plus précisément la question des discriminations en seconde partie d’entretien, la très grande majorité des personnes faisaient part d’expériences discriminatoires dont elles avaient été elles-mêmes victimes (pour trois quarts d’ent


[1] Les terrains d’enquête français étaient Roubaix, Vaulx-en-Velin, Le Blanc Mesnil, Villepinte, Mistral à Grenoble et Lormont en banlieue bordelaise.

[2] Tous les prénoms ont été modifiés pour garantir l’anonymat des personnes ayant livré des détails parfois intimes de leur parcours de vie.

Julien Talpin

Politiste, Chargé de recherche au CNRS

Hélène Balazard

Politiste, Chercheuse au laboratoire EVS de l’Université de Lyon

Marion Carrel

Sociologue, Maîtresse de conférences à l'Université de Lille

Samir Hadj Belgacem

Sociologue, Maître de conférence en sociologie à l'Université Jean-Monnet de Saint-Étienne et rattaché au Centre Max Weber 

Sümbül Kaya

Politiste, Docteure en science politique

Anaïk Purenne

Sociologue, Chargée de recherche à l’Université de Lyon / ENTPE

Guillaume Roux

Politiste, Chercheur FNSP à Sciences Po Grenoble

Notes

[1] Les terrains d’enquête français étaient Roubaix, Vaulx-en-Velin, Le Blanc Mesnil, Villepinte, Mistral à Grenoble et Lormont en banlieue bordelaise.

[2] Tous les prénoms ont été modifiés pour garantir l’anonymat des personnes ayant livré des détails parfois intimes de leur parcours de vie.