Savoirs

Ramener sur Terre les Modernes – un moment latourien (3/4)

Philosophe

Dans ce nouvel article de sa série consacrée à Bruno Latour, Patrice Maniglier insiste sur un troisième geste majeur de la théorie latourienne : exiger que nos vies et nos pensées se mettent enfin sous ce qui est de fait leur condition indépassable, à savoir leur être terrestre. L’impératif « d’atterrissage » oblige à bien saisir ce qui fait l’unité de la Terre, ce qui permet une compréhension plus profonde des liens réels qui existent entre la mutation écologique globale et la pandémie de Covid-19.

La troisième raison pour laquelle la pandémie a fait de Latour, pour un vaste public, le penseur le plus représentatif du moment que nous traversons, est qu’il est un des rares à clamer depuis des années, au milieu d’un certain scepticisme de ses collègues, que la question du réchauffement climatique et plus généralement de la mutation écologique globale n’était pas simplement une question importante parmi d’autres, mais qu’elle était bien la question architectonique à partir de laquelle nous devions refonder nos systèmes intellectuels aussi bien que nos formes de vie.

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Mieux, il s’est efforcé de montrer que cette mutation devait être pensée comme l’irruption d’un nouvel acteur dans nos vies, dans nos débats, dans nos réflexions : la Terre. Il n’a pas eu peur d’affronter les ricanements des esprits rassis en reprenant le nom de Gaïa pour désigner cette entité, au risque de passer pour un dangereux zélateur d’une grotesque spiritualité New Age [1]. Aussi est-il sans doute la seule figure intellectuelle contemporaine qui se soit consacrée à donner un sens fort à un mot d’ordre qui a pris avec la pandémie une actualité dramatique : il est urgent d’atterrir.

Atterrir signifie comprendre que nos existences n’ont pas d’autre horizon que la Terre et cesser de négliger, comme nous l’avons fait, nous, « Modernes », cette condition terrestre, aussi bien dans l’organisation de nos vies que dans la construction de nos systèmes de pensée. Car cette négligence a pour conséquence malheureuse que notre vie comme notre pensée se déploient littéralement hors-sol.

Il faut donc non seulement apprendre à vivre autrement, mais aussi apprendre à penser autrement, en reprenant tout cela sur la base de ce présupposé indépassable : nous sommes terrestres, avant même d’être humains. Or, la pandémie elle aussi a eu l’air de nous ramener sur Terre, et même, littéralement, de nous mettre à Terre.

Mais quel rapport y a-t-il entre pandémie et réchauffement climatique, entre Terre et virus ? Ce lien, que beaucoup de gens ont fait, ne relève-t-il pas d’une superstition opportuniste prompte à voir une sorte de revanche de la nature, ici dans la forme d’un virus, ailleurs dans celle d’un ouragan ou d’une sécheresse ? La Covid-19 serait-elle la onzième plaie d’Égypte ?

Non, elle ne l’est pas : il y a des liens à la fois réels et conceptuels tout à fait profonds entre la problématique de la Terre qui est venue récemment au centre de nos préoccupations politiques, scientifiques et métaphysiques, et le déplacement de perspective que la pandémie nous impose. On ne peut cependant bien les comprendre que si on précise scrupuleusement ce qu’on entend par « Terre ». C’est précisément parce qu’elle nous aide à faire cela que l’œuvre de Latour s’avère d’une pertinence presque sans exemple.

Ses derniers ouvrages, depuis Face à Gaïa (2015) jusqu’à Où suis-je ? (2021), en passant par Où atterrir ? (2017), s’efforcent de nous montrer que la Terre n’est pas seulement cette planète localisée dans un certain système solaire qui aurait constitué un contexte miraculeusement favorable à l’apparition de la vie puis de l’espèce humaine. Ce concept astronomique de la Terre comme planète suppose en effet de l’appréhender de l’extérieur, du point de vue des satellites, des fusées et des stations spatiales, comme nous la présentent ces photos de la planète bleue popularisées dès les premières projections de l’humanité dans l’espace.

Or, ces images n’existent que parce que des appareils ont été envoyés depuis la Terre. Elles sont donc en elles-mêmes des résultats d’une activité terrestre. Mais terrestre en quel sens ? Comment penser cette Terre à partir de laquelle sont développées les images vues de l’espace, autant que les théories astronomiques de Newton ou les modèles climatiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ? Comment, en somme, penser la Terre à partir d’elle-même et non pas d’un point de vue de nulle part ? Telle est la question que Latour se pose, non seulement dans ses ouvrages récents, mais aussi dans ses collaborations avec des artistes, que ce soit sur la scène [2], ou dans des expositions [3].

Si elle a pris la forme d’une méditation sur le mot « Gaïa », c’est que celle-ci désignait, dans l’esprit de James Lovelock et de Lynn Margulis (les inventeurs du nom), la Terre comme acteur de l’histoire de la vie. Cependant, ce nom unique cache plusieurs concepts et risque d’introduire des confusions. Car toute la question revient en somme à savoir quel sens on peut donner à la phrase La Terre est une sans présupposer cette unité, sans sauter d’emblée dans une sorte de niveau abstrait à partir duquel cette unité serait donnée. Or, la phrase « La Terre est une » peut être entendue en plusieurs sens.

Il faut reconnaître que sur ce point Latour n’est probablement pas assez explicite. Il donne cependant les moyens de dégager ces différents concepts de la Terre. En s’appuyant sur ses travaux, on peut distinguer trois significations principales de cette phrase, qui correspondent à trois concepts d’unité : continuité, finitude et totalité. Ces trois significations nous importent particulièrement parce qu’elles correspondent à trois manières assez différentes dont on peut voir la pandémie comme une figure de ce rappel à la Terre – et donc aussi à trois manières dont l’œuvre de Latour résonne singulièrement avec le présent.

Nous passerons vite sur la première car nous l’avons déjà abordée : l’unité de la Terre se confond avec la continuité des enchevêtrements d’embrouilles entre les actants. Un organisme humain ne peut pas vivre sans les milliards de bactéries, de virus et d’archées qui ont pour lui un rôle fonctionnel aussi vital que des organes (organes qu’ils deviennent parfois, comme ce fut le cas du placenta). Comme ces micro-organismes ne cessent d’échanger entre eux, y compris au niveau génétique, notre association avec eux nous expose aussi à ce qui peut arriver dans ce vaste « superorganisme mondial », comme l’appelle Lynn Margulis [4].

On comprend ici en quel sens la pandémie peut être ressentie comme un atterrissage forcé : elle vient rappeler aux Modernes qu’ils ne peuvent jamais se séparer complètement des êtres qui les entourent et les occupent à la fois. Est terrestre un existant qui est nécessairement embrouillé dans ce réseau continu.

Les Modernes ont beau s’être enfermés dans leur civilisation urbaine, s’être entourés d’un nombre ridiculement pauvre d’espèces différentes, ne jamais se soucier des choses autrement que pour l’usage « proprement humain » qu’ils peuvent en faire, se croire « maîtres et possesseurs de la nature », tout cela n’empêchera pas qu’une mutation aveugle de quelques molécules sur un brin d’ARN installé dans un organisme de chauve-souris sur un continent très éloigné puisse briser le cours de mon existence quotidienne. D’une certaine manière, la pandémie manifeste la solidarité des êtres dans une commune complexité au-delà de toute limite assignable a priori.

Cette solidarité ne se limite pas au vivant ; elle traverse la frontière du vivant et du non-vivant. C’est exactement pour cette raison que James Lovelock a introduit le mot « Gaïa ». Il voulait montrer que l’habitat n’est pas le cadre neutre et indifférent que des habitants viennent occuper, mais bien l’effet de cette habitation même.

Comment, en somme, penser la Terre à partir d’elle-même et non pas d’un point de vue de nulle part ?

La fameuse « hypothèse Gaïa » est venue à son auteur à la suite d’une observation qu’il avait faite : la présence de la vie sur une planète peut se repérer par l’existence d’une atmosphère ou la présence de certains gaz dans cette atmosphère [5]. L’atmosphère n’est donc pas simplement la condition préalable à l’apparition de la vie, mais le résultat du développement de la vie. Il y a entre le vivant et le non-vivant, l’habitant et son habitat, une relation « embrouillée » un peu du même ordre que celle qu’on a évoquée entre les bactéries et nos corps.

L’hypothèse Gaïa signifie au premier abord qu’on doit non pas séparer en différents « règnes » empilés les uns sur les autres les paramètres physiques, chimiques, minéralogiques, biologiques et culturels. Des êtres appartenant à ces différents règnes sont directement liés entre eux dans des boucles de rétroaction du genre de celles qu’on a évoquées avec notre modèle des pâquerettes. La Terre n’est donc pas juste une planète qui roule dans le ciel étoilé, sur lequel des vivants se seraient posés à la faveur d’un environnement favorable, mais un immense réseau d’actants qui s’est fabriqué avec le temps et continue son histoire.

Le premier sens de Gaïa, la première manière d’entendre l’énoncé « la Terre est une », tient à la continuité des enchevêtrements d’embrouilles qui fait tout l’être des existants. C’est aussi lui qui sous-tend la notion d’Anthropocène : on ne peut séparer l’espèce humaine des forces géologiques. Spinoza avait bien raison : l’homme n’est pas un empire dans un empire, mais une chose parmi les choses… à condition, bien sûr, qu’on n’entende pas le mot « chose » comme une sorte de flaque inerte mais bien comme une puissance d’agir !

Il ne fait aucun doute que la pandémie rend sensible cette continuité et donc nous rappelle à notre condition terrestre. La Covid-19 est une zoonose, autrement dit une maladie due à un agent qui traverse les frontières des espèces. L’existence de ce genre de maladies est à l’origine du slogan « One Health », qui veut mettre l’accent sur l’impossibilité de séparer la santé humaine de la santé des animaux [6]. Cette continuité n’est pas seulement celle du vivant humain et des autres vivants. Elle inclut aussi des non-vivants (ce qu’on appelle aussi des éléments abiotiques) : il se peut par exemple que les particules fines soient des supports redoutables du SARS-CoV-2.

Plus généralement, la médecine qu’on appelle globale prend en compte non plus seulement les relations binaires entre les agents pathogènes et les cellules du corps humain, mais les conditions écologiques dans lesquelles cette rencontre est produite et conduite, conditions écologiques qui sont déterminées aujourd’hui massivement par l’activité humaine. L’invasion de nos cellules par les virus n’est pas la cause de la Covid : il n’en est que son mécanisme ; sa cause est écologique, c’est-à-dire qu’elle est dans ces longues chaînes d’action qui conduisent à cette invasion – sa composition inclue la déforestation, la pauvreté, la biodiversité, les facteurs influençant les mécanismes immunitaires (qui diffèrent entre les populations mondiales), eux-mêmes peut-être dus aux habitudes alimentaires, hygiéniques, etc. – bref, on le voit, des « actants » très hétérogènes.

Cependant, il importe de remarquer que les mots « médecine globale », « écologie de la santé » et « environnement » doivent s’entendre ici au sens d’une attention à la continuité des êtres plus qu’au sens d’une hypothèse sur l’efficace propre à la totalité comme telle, sur laquelle nous reviendrons plus tard, quand nous introduirons les notions de stabilité et d’équilibre de ce qu’on n’appelle pas pour rien des écosystèmes. Dans l’idée de « médecine globale » telle qu’on l’entend pour le moment, l’accent est mis sur l’impossibilité de tracer une sorte de muraille ontologique entre les êtres humains et les autres acteurs de ce monde.

Mais la phrase « La Terre est une » peut avoir encore un autre sens, dont il nous faut parler tout de suite. Elle peut s’entendre comme dans le slogan : il n’y a pas de planète B. La Terre, en ce sens, est l’espace dans lequel nous sommes confinés, dont nous ne pouvons pas sortir. L’unité de la Terre renvoie alors non plus à la continuité des existants, mais à la finitude d’un espace.

Continuité et finitude sont deux figures distinctes de l’unité. L’une et l’autre impliquent quelque chose de l’ordre d’une inséparation, mais pour des raisons différentes. Le vaste tissu des enchevêtrements pourrait être illimité que cela n’empêcherait pas une mutation d’un virus lointain de finir par nous atteindre, à condition qu’il trouve les bonnes routes à travers ces pelotes de dépendances dans lesquelles nous vivons.

D’ailleurs, la prise de conscience de la continuité des terrestres ne passe pas par les mêmes figures que celle de la finitude de la Terre. Si la première passe par la mise en évidence de nos dépendances envers des êtres variés, la seconde s’exprime dans des observations telles que : il faudrait 5,2 planètes pour pouvoir généraliser le mode de vie états-unien à l’ensemble des humains vivant actuellement, ou le calcul du « jour du dépassement » à partir duquel l’humanité a consommé toutes les ressources renouvelables disponibles (c’était le 7 décembre en 1990 et le 22 août en 2020).

On voit que cette finitude s’éprouve relativement à une perspective particulière. La Terre s’entend ici comme cette entité qui vient mettre un terme au projet moderne, car celui-ci n’a de sens que dans l’horizon d’une extension d’un certain mode de vie à l’intégralité des membres de l’espèce (c’est l’idée même de progrès). C’est à ce titre qu’elle devient un problème politique, scientifique, métaphysique, économique, religieux, etc. La Terre peut ainsi être définie comme l’ensemble des limites qu’on ne saurait dépasser sans s’exposer au moins à un risque (voire à une certitude) d’autodestruction.

On sait qu’une équipe internationale a établi en 2009 une liste de neuf limites planétaires à ne pas dépasser si on ne veut pas entrer dans un environnement aux dynamiques imprévisibles (certaines de ces limites étant déjà dépassées). Elles incluent un certain niveau de CO2 dans l’atmosphère, une mesure de la biodiversité (calculée par le nombre d’espèces en extinction chaque année), un certain niveau de déforestation, d’acidification des océans, etc.

La « planète » dont on mesure ici les limites n’est bien évidemment pas le corps gravitationnel qu’étudient les astronomes ; elle n’est même pas vraiment ce qui permet la reproduction de la vie ; elle est ce qui permet la continuation dans le temps d’un certain genre de vie (celui de l’humanité actuelle, avec toute l’ambiguïté de ce mot). La Terre est donc bien définie comme ce qui expose la finitude d’une forme de vie. Être terrestre, c’est être confiné-avec (les autres terrestres).

On comprend dès lors pourquoi la pandémie a pu présenter à sa manière la figure d’une vérité que les militants écologistes ou les scientifiques étudiant les « limites planétaires » s’efforçaient tant bien que mal de faire valoir à leurs manières : c’est qu’elle nous a rappelé elle aussi à notre finitude. Non pas seulement parce qu’elle a reconduit les segments les plus privilégiés de la population mondiale à la fragilité des corps et à la précarité des vies (bien que cela compte, la solidarité supposant, hélas, de faire l’expérience dans sa chair de la blessure qu’on peut alors voir ailleurs…), mais aussi parce qu’elle est venue démentir un scénario historique bien ancré en nous, à savoir celui d’un progrès ouvert et indéfini.

On sera peut-être tenté de s’indigner : « Quelle foutaise ! On n’a attendu ni la pandémie ni Bruno Latour pour cesser de croire au progrès ! » Pourtant la vérité est qu’on est toujours plus progressiste qu’on ne l’imagine. On a beau ne pas y croire, le progrès est un peu comme la Lune à l’horizon dont Descartes disait qu’il la percevait nécessairement plus grosse qu’au zénith, bien qu’il sache qu’il s’agissait d’une illusion optique.

Il ne faut pas pousser beaucoup les personnalités politiques qui se veulent les meilleurs apôtres, dans leur milieu, de l’urgence climatique, pour qu’elles vous suspectent de vouloir revenir à la veillée ou défendre le modèle Amish parce que vous doutez du caractère impérieux du passage à la 5G. Mais que nous nous trouvions soudain littéralement arrêtés alors que nous étions lancés à plein régime dans les dynamiques de la « troisième mondialisation », et arrêtés par un effet secondaire de ces dynamiques elles-mêmes, voilà qui donne une réalisation très concrète aux thèmes apocalyptiques qui paraissaient jusque-là relever tantôt d’un excès de subtilité philosophique, tantôt de la résurgence de vieux réflexes mythologiques, tantôt d’un pathétique wishful thinking de la part de gens qui haïssent le monde comme il va sans pouvoir croire cependant à la Révolution.

Il ne s’agit pas de dire, bien sûr, que cette pandémie annonce la fin du monde. Mais elle donne une figuration spectaculaire à la fin de quelque chose. Les perspectives de développement de ce qu’on peut appeler légitimement la Modernité ne paraissent plus illimitées. Nos civilisations sont bien mortelles, en effet, quelque chose peut arriver qui les met en échec ; mais ce qui les met en échec désormais, ça n’est plus comme jadis l’éventualité d’une auto-destruction de l’humanité par la guerre totale ou l’arme nucléaire : c’est la réaction nécessaire, à nos activités, d’un monde dont on croyait jusqu’alors n’être que le témoin passif.

La Terre est l’espace dans lequel nous sommes confinés, dont nous ne pouvons pas sortir.

Il y a donc deux différences dans l’expérience de la fin caractéristique de notre époque par rapport à la grande crise de l’idée de progrès qui a suivi les première et deuxième guerres mondiales et que nous avons évoquée dans la première livraison de cette série de réflexion sur Latour. La première est qu’elle ne situe plus le mécanisme de la fin dans un tête-à-tête de l’humanité avec elle-même (la guerre), mais suppose la médiation d’un tiers non-humain, un convive supplémentaire au banquet de l’apocalypse, la Terre.

La seconde est que cette fin n’est plus de l’ordre d’une éventualité, d’une possibilité, comme elle l’était par exemple pour Gunther Anders dans les années cinquante [7], mais bien d’une nécessité résultant de nos actions selon un régime causal que les sciences peuvent et doivent établir. Il n’est plus question de savoir si nous saurons ou non nous arrêter avant la fin : nous serons arrêtés, que nous le voulions ou non ; c’est la continuation même de ce mode de production de notre existence qui suscite sa propre butée.

Si on garde à l’esprit que la pandémie n’est pas simplement une fatalité de la nature, mais la conséquence d’un mode de développement qui se met lui-même à l’arrêt du fait des réactions indésirables qu’il produit, on comprend qu’elle ait été légitimement perçue comme une figure de cette fin-là – donc une manifestation de la Terre ! L’effondrement tant annoncé par les collapsologues n’est peut-être pas arrivé avec la pandémie, mais la possibilité d’une fin est désormais inscrite très concrètement dans notre expérience du présent du fait de l’ampleur de la catastrophe.

L’idée sur laquelle inconsciemment nous vivions est bien qu’à tout problème, le progrès des sciences et des techniques (et la sagesse de nos gouvernants qui savent faire de l’espace pour la main invisible du marché) trouvera une solution. Or, il est apparu soudain qu’il se pourrait que ça ne soit pas le cas. Le progrès est réversible, la modernité est contingente. Si cela est vrai en cette occurrence, pourquoi ne le serait-ce pas aussi ailleurs ? Nous surmonterons peut-être cette « crise », mais d’autres viendront : s’agit-il donc d’une crise ou d’une mutation ?

Telles sont les questions que la pandémie a éveillées dans les consciences. C’est par là qu’elle résonne avec la forme spécifique qu’ont pris les inquiétudes écologiques de nos jours : celles-ci ne sont pas concernées seulement par une dégradation irréversible de l’environnement mais par la possibilité très concrète d’un processus d’épuisement.

On pourrait avoir le sentiment ici d’une vague analogie. Mais les relations de la pandémie à un phénomène comme le réchauffement climatique ne sont pas seulement métaphoriques. Elles sont aussi métonymiques. Ce sont les mêmes causes qui sont à l’origine de l’une et de l’autre. Les pandémies sont devenues plus fréquentes depuis que le mode de vie industriel s’est répandu à l’ensemble de la planète. Quel symbole plus éclatant du « progrès » que l’amélioration de la santé humaine ?

Et pourtant, le progrès lui-même semble aujourd’hui rendre malade. Les causes sont multiples : accélération des échanges, déforestation, effondrement de la biodiversité, pollution, etc. Ainsi la destruction des habitats par l’extension de l’humanité industrialisée (notamment la déforestation) détruit aussi les mécanismes qui permettaient de contenir localement les agents pathogènes. Exemple caractéristique, la maladie de Lyme résulte de ce que les tiques, par qui la maladie se transmet, ne trouvent plus d’autre hôte pour se nourrir que les souris à pattes blanches, qui sont les réservoirs de l’agent pathogène, car les écosystèmes deviennent si pauvres que des mammifères non porteurs de cet agent, comme les opossums et les écureuils, dont la nourriture est plus spécialisée que les souris, ne trouvent plus de quoi se nourrir.

Autre exemple : la déforestation de Bornéo pour produire de l’huile de palme a entraîné la migration des chauves-souris qui se sont rabattues sur des zones où se trouvaient des élevages de porcs industriels qu’ils ont contaminés avec le virus Nipah. Un mécanisme de ce genre est soupçonné d’être à l’origine de la pandémie de Covid-19 [8]. Dans tous ces cas, l’action humaine est à l’origine de la recrudescence des zoonoses et explique pourquoi la modernisation du monde entier, au lieu de constituer une amélioration unilatérale des conditions de vie, est aussi le moteur de sa dégradation.

Le symbole le plus éclatant de ce retournement de la flèche du progrès dans le champ de la médecine est bien sûr l’antibiorésistance : celle-ci est due non seulement à ce que les antibiotiques ont été prescrits de manière inconséquente aux humains, mais aussi au fait que les animaux d’élevage en sont gavés et que ces antibiotiques se déversent dans les environnements terrestres et marins, où de nouvelles bactéries antibiorésistantes se développent qui risquent de revenir vers les humains sous une forme catastrophique.

Mais on pourrait admettre tout cela et remarquer cependant qu’il ne s’agit en somme ici de rien d’autre que d’un bon exemple de ce que nous avons appelé la continuité des existants : ce que les Modernes auraient négligé, c’est l’étroitesse des intrications des acteurs les uns avec les autres. En quoi peut-on parler ici d’une limite et plus encore d’une limite planétaire ? En quoi la pandémie exposerait-elle la finitude, et même, plus précisément, la confinitude de nos existences ?

C’est que quelque chose du projet moderne reposait sur le pari qu’il était possible de maintenir à distance les conséquences de nos actions : les sous-sols sédimentaires de l’Europe de l’Ouest étaient vidés de leurs hydrocarbures, mais on irait en Arabie ; les terres agricoles étaient exténuées par les cultures intensives, mais on en trouverait d’autres ; les forêts étaient rasées pour construire ou cultiver, mais elles étaient loin des villes ; les déchets étaient déversés dans la mer, mais les océans étaient immenses.

C’est ce pari qui est en train d’être perdu, précisément parce qu’il y a des limites, quelque chose comme un horizon, au-delà duquel on ne peut rejeter les conséquences de nos actions : c’est à cause de cette limite qu’on se trouve au contraire devoir vivre avec ces conséquences. Les souris à pattes blanches prolifèrent ; les chauves-souris vont déféquer sur les porcs d’élevage ; les émissions de CFC (chlorofluorocarbures) par les frigidaires, les aérosols, les solvants, détruisent la couche d’ozone ; le CO2 de nos usines réchauffe l’atmosphère, etc.

On découvre que le sentiment d’une indifférence de la « nature » à la « culture » reposait sur un présupposé dont il a fallu moins de deux siècles depuis le début de la révolution industrielle pour dégager le caractère erroné : celui d’une illimitation des ressources et des distances terrestres. C’est parce que nous pensions que « l’environnement » était assez vaste soit pour fournir des ressources inépuisables (sols fertiles, charbon, pétrole, plutonium, etc.), soit pour accueillir toutes les « externalités » de nos productions que nous y déversions (les fumées d’usine, les détritus domestiques, les déchets nucléaires, les antibiotiques, etc.), que nous pouvions croire que nous agissions dans un cadre indifférent.

Dès qu’il s’avère que ces extractions et ces externalités butent sur une sorte de limite, nous sommes obligés de cesser de croire que nous sommes « dans » un espace qui ne serait en somme qu’un cadre vide. Certes, on pouvait bien jadis voir les poubelles s’accumuler sur les plages ou les terrains vagues. Mais ce qui arrive désormais est d’une autre nature : tout se passe comme si la plage elle-même se révoltait, comme si elle ne se contentait plus de subir cet amoncellement mais qu’elle réagissait en se soulevant, en se déplaçant, en remontant un peu ailleurs, recrachant sur nous ses propres détritus.

Le cadre devient un acteur. Et cela n’a qu’une explication : il y avait une limite ; c’est elle qui se met en action. Le sentiment d’une nature indifférente reposait en réalité sur cet éloignement de la limite : nous avions pris de l’avance parce que nous étions allés très vite, le cadre n’avait pas eu le temps de réagir ; mais c’en est fini désormais, cette limite, nous l’avons atteinte, et nous la sentons, comme un poids sur la poitrine de notre civilisation, un poids qui pèse sur nous par la manière même dont il pèse aussi sur tous les êtres avec lesquels nous sommes confinés.

Il faut entendre cette phrase : « Nous sommes dans un monde fini, “Terre” est le nom de cette finitude » en un sens très littéral : non pas que nous existons et que par ailleurs notre être se trouve limité et comme rongé de l’extérieur par un néant qui lui reste étranger, mais bien que cet être est constitué dans et par sa propre finitude. On retrouve ici une idée qui fut jadis à la mode, à la grande époque existentialiste, notamment par le douteux truchement de Heidegger : qu’être n’a de sens pour nous que du point de vue de la finitude.

Chez Heidegger, cette finitude permettait de constituer l’être en projet, en avoir-à-être, comme si seule l’intégration de la possibilité de la fin permettait de faire en retour de toute l’existence une tâche à accomplir. Chez Latour en revanche (comme chez bien d’autres auteurs et autrices de la même famille), le thème de la finitude se sépare de la Mort pour se lier à la Terre : il ne participe pas à une anthropologie ou une éthique héroïque du projet (donc d’un faire qui se détache de son être), mais à une éthique de l’association et de l’intrication (donc à un vivre-avec irrémédiablement embrouillé).

On peut cependant s’inquiéter de ce retour du thème de la finitude [9]. N’y a-t-il pas là une figure sournoise du retour d’un vieux topos religieux : celui de l’hubris humaine ? Gaïa n’est-il qu’une version contemporaine du Dieu jaloux de la Tour de Babel ? Pire : on peut se demander si cette notion de finitude n’implique pas qu’on revienne à l’idée d’une unité donnée, alors même qu’on avait promis de construire un concept de Terre dont l’unité soit immanente. Car pourquoi y a-t-il un horizon, sinon parce que la Terre est une planète ronde, isolée des autres planètes, finie donc pour des raisons très bêtement astronomiques ?

Il y a même pire encore : cette idée d’une Terre qui imposerait des bords externes à l’action des terrestres, n’est-elle pas en vérité directement contraire aux raisons mêmes pour lesquelles la notion de Gaïa a été introduite dans les sciences par son inventeur, James Lovelock ? En effet, celui-ci voulait précisément insister sur le fait que la Terre, en tant qu’habitat pour des vivants, avait été façonnée précisément par ses propres habitants, autrement dit que les vivants se caractérisaient par leur capacité de courber les contraintes qui semblaient s’imposer pour les repousser, les redéfinir, les détourner.

Ainsi l’atmosphère de la Terre actuelle est-elle le résultat de l’histoire de la vie : sans cette dernière, il n’y aurait pas d’oxygène sur Terre (comme il n’y en a pas sur Mars et sur Vénus). Ne peut-on donc penser que les personnes qui aujourd’hui poursuivent l’aventure de Gaïa sont ces Modernes sans scrupules qui veulent que les êtres humains, loin de s’incliner devant les soubresauts des limites terrestres actuelles, osent aller de l’avant pour repousser ces limites, voire se préparent à quitter la Terre, et même à cesser d’être humain ? Ainsi Elon Musk, avec son grand projet de colonisation de Mars et sa conviction du remplacement prochain de l’espèce humaine par une lignée d’intelligences artificielles hybrides, deviendrait un continuateur de l’aventure de Gaïa plus fidèle que Bruno Latour et ses mises en garde apocalyptiques…

Toutes ces objections sont légitimes. Elles exigent que nous précisions ce que nous entendons par finitude ou plus exactement par confinitude. Pour cela, il faut introduire une dimension temporelle et dynamique dans la grammaire des existants que nous avons proposée. La terrestrialité des existants entendue comme confinitude peut se résumer en quatre axiomes supplémentaires.

Premièrement, au lieu d’actants, nous parlerons désormais de lignées d’engendrement. C’est une des grandes modifications de la pensée de Latour qui est effectuée discrètement dans le dernier petit livre qu’il a publié en réponse à la pandémie, Où suis-je ?. Une lignée évolutive se définit par la continuation, et non pas par l’identité. Une lignée évolutive n’est pas faite d’existants identiques (perpétuation d’une essence), mais d’existants qui continuent des existants antérieurs, fût-ce au prix d’une totale transformation qualitative, autrement dit de mutations (continuation d’une existence).

Deuxièmement, ces lignées d’engendrement sont embrouillées et enchevêtrées les unes dans les autres, autrement dit les alliances sont des coévolutions : être, c’est durer ensemble.

Troisièmement – et c’est une condition qu’on peut facilement oublier, mais qui est absolument nécessaire –, ces lignées ont une certaine mobilité au regard de leurs alliances (de leurs brouilles enchevêtrées) : elles peuvent migrer d’alliances en alliances. La migration définit donc la condition terrestre : tout terrestre est un migrant. Cela signifie que son être même est le résultat d’une sorte de compromis entre migration et transformation, entre maintenir une alliance ou en changer, en transformant son être ou sans le transformer.

Une lignée terrestre peut toujours jouer sur l’un ou l’autre paramètre. La combinaison de ces deux facteurs constitue l’immense Jeu de la Terre. Pour se continuer, une lignée peut soit (1) migrer sans se transformer, soit (2) se transformer sur place, soit (3) migrer en se transformant. Comme les autres lignées avec lesquelles elle se co-engendre ne cessent, elles aussi, de se transformer, l’espace virtuel des alliances possibles (donc des migrations possibles) se modifie sans cesse.

Le point important est cependant qu’il n’en reste pas moins contraint par une question de position, et cela constitue le quatrième axiome constitutif de la Terre : l’horizon des potentialités de continuation d’une lignée est toujours nécessairement fini. C’est à cette finitude elle-même, ou à cette structure d’horizon, qu’on peut donner le nom de Terre.

Gaïa est dans les angles morts des enchevêtrements de brouilles.

On peut se représenter cela de manière spatiale : le temps qu’il faut pour qu’une lignée atteigne un nouvel allié qui se trouve éloigné dans l’espace (voire, éventuellement, éloigné dans le temps, cette autre lignée ne pouvant atteindre l’état dans lequel elle serait capable de faire alliance avec la lignée migrante que dans un certain temps) peut être trop long pour qu’elle se continue jusque-là, un peu de la même manière que dans l’Univers de la relativité générale, le temps qu’il faut à la lumière pour aller d’un point à un autre peut être trop long pour que deux événements puissent être connectés, c’est-à-dire pour que leurs cônes de lumière s’intersectent, ce qui explique pourquoi on parle d’horizon des événements [10].

Gaïa est dans les angles morts des enchevêtrements de brouilles, ou plus exactement des virtualités de transformation que les migrants terrestres créent les uns pour les autres en s’embrouillant réciproquement et continument.

On voit bien que l’existence de cet horizon, sa finitude, n’implique pas que Gaïa soit une sorte d’espace fermé au sens statique du terme. Bien au contraire, il est en permanente évolution. La limite-Terre est sans cesse mouvante. Mais cet espace n’en reste pas moins en chaque point contraint par une structure d’horizon. Il est donc fini, mais dynamique. On peut appeler cela ouvert et dire que c’est dans l’Ouvert de la Terre qu’existent les terrestres.

L’existence même de Gaïa dépend donc de l’existence d’un différentiel de vitesse entre deux processus virtuels : le processus de l’extinction d’une lignée (ce qui signifie que ni la transformation ni la migration ne peuvent lui éviter son interruption) et sa trajectoire optimale dans l’espace de la Terre, espace entendu au sens de l’ensemble des trajectoires possibles combinant transformation et migration avec toutes les autres lignées, elles-mêmes déterminées par la combinaison de leurs transformations et de leurs migrations. Si la première est plus grande que la seconde, alors il y a un horizon. Chaque terrestre doit donc se courber pour entrer dans cet horizon qui maximisera ses chances de ne pas s’éteindre. Il existe à partir de cette limite.

Il faut aussi remarquer qu’on arrive à une définition de la Terre très éloignée de l’image du globe dont on ne peut sortir à cause de sa rotondité. En vérité, si on ne peut sortir de la Terre, c’est parce que les migrations (ou recompositions d’alliances) prennent toujours du temps et que ce temps peut excéder celui qui conduit une lignée à son extinction. L’image du migrant qui fait le tour de la Terre et revient bredouille à son point de départ n’est donc bien qu’une image : dans la réalité, les terrestres sont confinés dans des espaces virtuels à la fois beaucoup plus grands (car la limite quantitative de la surface peut être compensée par les mutations et alliances) et beaucoup plus petits (car ses alliances sont liées à des voisinages).

La somme de ces limites constitue le profil de Gaïa. Gaïa est comme la côte échancrée qui sépare le sol du possible de l’océan de l’impossible. On ne saurait dire sa forme d’avance : elle variera en fonction des existants qui la font. Elle est qualitative et non pas quantitative. C’est pourquoi Latour peut dire à juste titre qu’il s’agit d’une zone critique plus que d’une surface dont la forme spatiale globale dirait d’avance qu’elle est fermée [11]. La Terre est faite de toutes les fragilités des lignées d’engendrement enchevêtrées et de rien d’autre.

Or, si la pandémie a semblé participer à sa manière d’un rappel à la Terre, c’est qu’elle a fait sentir cette structure d’horizon dans nos existences : elle a contribué à casser l’image que la Modernité s’est donnée d’elle-même, celle d’une ligne droite qui irait potentiellement jusqu’à Mars puis au-delà, négligeant chaque attachement particulier pour ne voir que ce qui lui permet de s’en détacher ; elle a montré que cette ligne, comme toute ligne terrestre, est une courbe, qui retombe de gré ou de force sur la Terre entendue comme l’horizon mouvant mais intransigeant de toutes les aventures terrestres.

N’entend-on pas parler en permanence d’une course de vitesse avec le virus ? C’est donc bien dans le temps que se fait sentir la finitude terrestre. Mais elle n’en reste pas moins cela : une expérience de notre confinitude.

Il y a cependant un troisième sens de la Terre, une troisième figure de son unité, qui n’est plus la continuité des enchevêtrements d’embrouilles, ni la finitude de l’horizon des perspectives d’engendrement, mais l’existence de principes de régulation des relations entre les terrestres à un niveau global. Ce troisième sens rejoint le quatrième geste théorique de Latour qui le rend si pertinent pour notre temps : avoir donné des outils pour penser le global. Et la pandémie là encore a montré l’insigne pertinence de ce geste.

 


[1] Il faut ici une fois de plus noter le compagnonnage avec Isabelle Stengers (que Latour aime d’ailleurs à présenter comme son maître) . Pour l’usage de Gaïa par celle-ci, voir Aux temps des catastrophes : résister à la barbarie qui vient, La Découverte, 2009.

[2] Bruno Latour a déjà réalisé, notamment grâce à sa collaboration avec Frédérique Aït-Touati et Chloé Latour, trois pièces de théâtre : Gaïa Global Circus (création en septembre 2013 au Théâtre Sorano, Toulouse), Le Théâtre des négociations/Make It Work (29, 30 et 31 mai 2015 au Théâtre des Amandiers à Nanterre), INSIDE (créée le 20 novembre 2016 au Théâtre des Amandiers à Nanterre).

[3] Critical Zones: The Science and Politics of Landing on Earth, éd. Bruno Latour, Zentrum für Kunst und Medien Karlsruhe/MIT, 2020.

[4] Lynn Margulis et Dorion Sagan, L’Univers bactériel, éditions du Seuil, 1986, p. 20.

[5] Sur Lovelock, outre Face à Gaia de Latour lui-même, on se rapportera avec profit aux textes de Sébastien Dutreuil, notamment « Quelle est la nature de la Terre ? », F. Aït-Touati & E. Coccia, Le Cri de Gaïa, Penser avec Bruno Latour, La Découverte, 2021.

[6] Pour une introduction à ce concept, voir Marie-Monique Robin, La Fabrique des pandémies, Paris, La Découverte, 2021, en particulier le chapitre 6. Sur la manière dont les zoonoses mettent en jeu les relations entre les humains et les animaux, voir les livres de Frédéric Keck, Un Monde grippé, Flammarion, 2010 et Les sentinelles des pandémies, Zones sensibles, 2020.

[7] Gunther Anders, Le Temps de la fin, L’Herne, 2007. Voir la réflexion de Déborah Danowski et Eduardo Viveiros de Castro sur cette question de la fin des temps dans « L’Arrêt du monde », E. Hache, De l’univers clos au monde infini, Éditions Dehors, 2014.

[8] Sur tous ces exemples et bien d’autres voir l’excellent livre de Marie-Monique Robin, La Fabrique des pandémies, op. cit.

[9] Toute la suite de ce texte doit beaucoup aux commentaires de Jeanne Etelain sur une précédente version. Qu’elle soit remerciée une fois de plus de sa lecture rigoureuse et précise.

[10] Sur cette notion de connexion à angles morts et ses effets sur la notion de totalité, on se rapportera avec profit aux travaux d’Élie During, en particulier « Le temps en soi ou la coexistence des choses », in E. During et E. Alloa, Choses en soi, Métaphysique du réalisme, PUF, 2019, pp. 409-425.

[11] Critical Zones: The Science and Politics of Landing on Earth, éd. Bruno Latour, ZKM Karlsruhe/MIT,  2020.

Patrice Maniglier

Philosophe, Membre du comité de rédaction des Temps Modernes

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Il faut ici une fois de plus noter le compagnonnage avec Isabelle Stengers (que Latour aime d’ailleurs à présenter comme son maître) . Pour l’usage de Gaïa par celle-ci, voir Aux temps des catastrophes : résister à la barbarie qui vient, La Découverte, 2009.

[2] Bruno Latour a déjà réalisé, notamment grâce à sa collaboration avec Frédérique Aït-Touati et Chloé Latour, trois pièces de théâtre : Gaïa Global Circus (création en septembre 2013 au Théâtre Sorano, Toulouse), Le Théâtre des négociations/Make It Work (29, 30 et 31 mai 2015 au Théâtre des Amandiers à Nanterre), INSIDE (créée le 20 novembre 2016 au Théâtre des Amandiers à Nanterre).

[3] Critical Zones: The Science and Politics of Landing on Earth, éd. Bruno Latour, Zentrum für Kunst und Medien Karlsruhe/MIT, 2020.

[4] Lynn Margulis et Dorion Sagan, L’Univers bactériel, éditions du Seuil, 1986, p. 20.

[5] Sur Lovelock, outre Face à Gaia de Latour lui-même, on se rapportera avec profit aux textes de Sébastien Dutreuil, notamment « Quelle est la nature de la Terre ? », F. Aït-Touati & E. Coccia, Le Cri de Gaïa, Penser avec Bruno Latour, La Découverte, 2021.

[6] Pour une introduction à ce concept, voir Marie-Monique Robin, La Fabrique des pandémies, Paris, La Découverte, 2021, en particulier le chapitre 6. Sur la manière dont les zoonoses mettent en jeu les relations entre les humains et les animaux, voir les livres de Frédéric Keck, Un Monde grippé, Flammarion, 2010 et Les sentinelles des pandémies, Zones sensibles, 2020.

[7] Gunther Anders, Le Temps de la fin, L’Herne, 2007. Voir la réflexion de Déborah Danowski et Eduardo Viveiros de Castro sur cette question de la fin des temps dans « L’Arrêt du monde », E. Hache, De l’univers clos au monde infini, Éditions Dehors, 2014.

[8] Sur tous ces exemples et bien d’autres voir l’excellent livre de Marie-Monique Robin, La Fabrique des pandémies, op. cit.

[9] Toute la suite de ce texte doit beaucoup aux commentaires de Jeanne Etelain sur une précédente version. Qu’elle soit remerciée une fois de plus de sa lecture rigoureuse et précise.

[10] Sur cette notion de connexion à angles morts et ses effets sur la notion de totalité, on se rapportera avec profit aux travaux d’Élie During, en particulier « Le temps en soi ou la coexistence des choses », in E. During et E. Alloa, Choses en soi, Métaphysique du réalisme, PUF, 2019, pp. 409-425.

[11] Critical Zones: The Science and Politics of Landing on Earth, éd. Bruno Latour, ZKM Karlsruhe/MIT,  2020.