Rediffusion

Commune image – à propos de Nous d’Alice Diop

Critique

Avec son dernier film, primé à la Berlinale, Alice Diop élargit son champ en arpentant un territoire qui s’étend du nord au sud de la région parisienne, en suivant le trajet du RER B. Nous propose un recueil de scènes glanées sur le chemin, le montage nous faisant passer de lieux en personnages, de voix en visages, comme autant de micro-univers. Rediffusion du 10 mars 2021

Quelque part en banlieue parisienne, une poignée de jeunes hommes passent une après-midi ensoleillée en bas de leurs immeubles. Assis sur des chaises pliantes disposées sur une bande de végétation, à leurs aises, ils écoutent quelques morceaux de musique. Au moment de choisir une chanson, l’un d’eux prévient les autres de tendre l’oreille : ça va être du lourd. Quelques notes de piano et d’accordéon et les voilà emportés dans le tourbillon de La Foule. Non, les playlists de banlieue ne sont pas seulement remplies de Booba ou de PNL, il peut arriver qu’Édith Piaf s’y faufile et fasse son effet. Anodine et surprenante, la scène, à travers cette rencontre des jeunes de banlieue et d’un monument de la chanson populaire française, pourrait emblématiser ce qui se trouve au cœur du dernier film d’Alice Diop, Nous, qui fait l’ouverture de la 43ème édition du Cinéma du Réel.

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Après s’être intéressée au rapport à l’amour de quatre garçons de Seine-Saint-Denis dans Vers la Tendresse, après avoir posé sa caméra dans une salle de consultation médicale destinée à recevoir des demandeurs d’asiles dans La Permanence, Alice Diop a élargi son champ. Avec un remerciement adressé à François Maspero, Nous se donne comme un héritier cinématographique des Passagers du Roissy-Express, arpentant un territoire qui s’étend du nord au sud de la région parisienne, suivant le trajet du RER B. Le film est ainsi un recueil de scènes glanées sur le chemin, le montage nous faisant passer de lieux en personnages, de voix en visages, comme autant de micro-univers.

Sans se donner a priori d’autre cadre qu’un tracé ferroviaire, Alice Diop soustrait son récit à la tyrannie du sujet et du découpage thématique. La cinéaste ne se contente pas d’aller filmer des zones géographiques souvent ignorées, mais elle les montre en même temps, réunissant à l’écran une diversité qui fait la question du film. En effet, des jeunes et des vieux, des royalistes et une infirmière, des cités et une forêt, comment


Romain Lefebvre

Critique, Co-fondateur de la revue « Débordements » et chargé de cours à l'université