Politique

Vertus de l’antifascisme ou comment la gauche a retrouvé sa voix

Philosophe

Si, en dépit d’une adversité inédite, les porte-parole de la gauche semblent aujourd’hui à la hauteur de leur tâche, c’est surtout parce qu’au soir du 30 juin, ils ont pleinement assumé que l’antifascisme était leur combat. Reste à comprendre pourquoi la menace dont le FN/RN est le nom – et qui ne date pourtant pas d’hier – a tant tardé à susciter ce ressaisissement.

Comment se fait-il que les principaux représentants du Nouveau Front Populaire (NFP) se montrent soudain si éloquents et sympathiques ? Qu’ils soient issus d’Europe Écologie les Verts (EELV), de La France Insoumise (LFI) ou du Parti socialiste (PS), les mêmes qui désespéraient leurs électeurs pendant la campagne des Européennes, et dont l’engagement à s’unir au lendemain du scrutin semblait souvent plus contraint que sincère, se comportent à présent comme les mandataires intraitables et généreux auxquels le peuple de gauche est en droit d’aspirer. Mais pourquoi maintenant – et, serait-on tenté d’ajouter, pourquoi seulement maintenant ?

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Sans doute le contraste avec l’ancienne majorité présidentielle joue-t-il en faveur de l’image donnée par les ténors du NFP. Car, du côté de la macronie, les antiennes relatives aux « extrêmes » et à l’antisémitisme endémique des Insoumis apparaissent clairement pour ce qu’elles sont, à savoir une manière d’encourager l’électorat censément modéré à s’accommoder de l’arrivée du Rassemblement National (RN) au pouvoir. Qu’ils soient encore hésitants ou déjà déterminés à sacrifier l’État de droit au maintien d’une politique fiscale conforme à leurs intérêts, les hommes et les femmes qui ont donné leur voix à la coalition Ensemble ! au premier tour des législatives sont demandeurs d’un message destiné à justifier leur choix au second. Si, d’ordinaire, il leur suffit d’invoquer le risque d’une inflation cruelle pour les plus modestes ou le souci de ne pas trop endetter leurs enfants pour se donner une contenance morale, face à l’éventualité d’un gouvernement d’extrême droite, la décision de s’abstenir requiert un argument d’une autre nature. Or, tel est bien ce que leur prodigue le camp présidentiel lorsqu’il les autorise à soutenir que c’est la sauvegarde de leurs concitoyens juifs, et non leur hostilité à une plus forte progressivité de l’impôt, qui les aura conduits à demeurer loin des urnes le 7 juillet 2024.

L’infamie des gar


[1] Félicien Faury Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Seuil, 2024 ; Violaine Girard, Le Vote FN au village. Trajectoires de ménages populaires du périurbain, Éditions du Croquant, 2017 ; Benoît Coquard, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, La Découverte, 2019

[2] Intervention sur RTL en octobre 2016.

Michel Feher

Philosophe, Fondateur de Zone Books

Notes

[1] Félicien Faury Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Seuil, 2024 ; Violaine Girard, Le Vote FN au village. Trajectoires de ménages populaires du périurbain, Éditions du Croquant, 2017 ; Benoît Coquard, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, La Découverte, 2019

[2] Intervention sur RTL en octobre 2016.