La chute de l’empire – sur Pacifiction d’Albert Serra
On entre dans Pacifiction par un long travelling qui dévoile lentement un coucher de soleil tombant sur des montagnes bleutées devant lesquelles se dresse une foule de containers bleus et rouge, témoins des multitudes d’échanges et trafics qui se jouent dans ce carrefour du monde.

La plasticité d’un décor édénique recouvert par la réalité marchande de l’occupation des hommes, c’est aussi le récit de négociations ininterrompues : les tractations politiques de De Roller, Haut-commissaire de Tahiti, (l’équivalent du préfet), dont la particule suffit à souligner l’aristocratie. Loin de son bureau, il occupe son temps à des négociations portant sur la religion, le divertissement, le tourisme, la culture, le sport, deale avec les barons politiques locaux. Il opère surtout un jeu de billard à trois bandes avec les indépendantistes qui lui annoncent que plane la persistante rumeur d’une reprise des essais nucléaires dans la région.
Pour un observateur lointain
Pacifiction est né de la volonté d’Albert Serra de faire un film en France qui pourtant ne se situe pas à Paris. Ce désir de regarder d’autres paysages que la capitale à la filmographie pléthorique devient le sujet même du film (on devrait dire plutôt l’un de ses sujets, tant le film est un monde d’histoires qui se complètent et se recouvrent) : qu’est-ce que ce pays ultra centralisé vu depuis le point le plus éloigné de son cœur historique et tout puissant ?
On ne peut pas s’étonner que le cinéaste catalan, qui nous a habitués depuis Don Quichotte, en 2006, à détourner les épisodes et figures historiques (Louis XIV, Don Juan, Les Rois Mages ou Dracula), bâtisse son projet sur une contradiction profonde : filmer Tahiti, l’endroit dont se désintéresse totalement le cinéma français, lieu quasi vierge d’images de fiction. Mais justement pour y projeter l’acteur le plus employé de ces dernières années, celui qui fait le grand écart entre les rôles comiques chez Éric et Ramzy ou Quentin Dupieux, collectionne les