Mais leurs yeux dardaient sur Dieu
1.
Les navires au lointain transportent à leur bord tous les désirs d’un homme. Certains reviennent avec la marée. D’autres voguent à jamais sur l’horizon, sans jamais s’éloigner du regard, sans jamais toucher terre jusqu’à ce que le Guetteur détourne les yeux de résignation, ses rêves raillés mortifiés par le Temps. Telle est la vie des hommes.
Les femmes, elles oublient tout ce dont elles ne veulent pas se souvenir et se souviennent de tout ce qu’elles ne veulent pas oublier. Le rêve est leur vérité. En conséquence de quoi elles agissent, font ce qu’elles ont à faire.
Donc au commencement il y avait une femme et cette femme revenait d’enterrer les morts. Pas les morts malades et agonisants entourés d’amis à leur chevet et leurs pieds. Elle revenait des boursouflés et des détrempés ; les morts soudains, aux yeux grands ouverts, rendant jugement.
Tous la virent revenir car c’était au soleil descendu. Le soleil s’en était allé, mais il avait laissé dans le ciel l’empreinte de ses pas. C’était le moment de s’asseoir sur les vérandas au bord de la route. C’était le moment d’écouter ce qui vient et de parler. Ces assis-là avaient sans yeux, sans oreilles et sans langue servi d’outil tout le long du jour. Mules et autres bestiaux avaient occupé leur peau. Mais le soleil et le boss-man s’en étaient allés, et maintenant ces peaux se sentaient humaines et puissantes. Devenaient seigneurs des sons et des moindres choses. Faisaient passer des nations entières par leur bouche. Assis, rendant jugement.
Voir cette femme telle qu’elle était les faisait souvenir certaine envie accumulée en d’autres temps. Alors se mirent à mâchonner l’arrière-fond de leurs pensées pour déglutir avec délice. Firent de leurs interrogations des assertions brûlantes, de leurs rires des armes meurtrières. Une cruauté de masse. Les humeurs prenaient vie. Les Mots marchaient sans maîtres ; déambulant ensemble comme les harmonies d’un même chant.
« Fait quoi encore à s’enrevenir ici dans sa spèce de salop