Fiction ou imposture ? – sur Nos frangins de Rachid Bouchareb
Dans Nos frangins, le réalisateur et producteur Rachid Bouchareb raconte l’histoire parallèle de deux victimes de violences policières survenues dans des contextes différents la même nuit du 5 au 6 décembre 1986 : Malik Oussekine et Abdelouahab Benyahia. Tout en prétendant faire la lumière sur l’assassinat trop souvent oublié du second, il la falsifie et trompe le public sur la réalité. Trente-six ans après les faits, il rejoue l’indignation sélective qu’avait suscitée ces deux assassinats sur fond d’opposition sociale entre les deux familles.

Pire : il invisibilise et dépolitise totalement la mobilisation collective qui avait pourtant conduit – fait rare – à la condamnation de l’inspecteur de police en état d’ivresse pour homicide volontaire sur la personne d’Abdel à 7 ans de prison ferme. D’où la polémique que suscite la sortie du film, l’émotion légitime de la famille de la victime et la nécessité de revenir sur les faits et leur contexte.[1]
L’affaire Malik Oussekine et ses répercussions
L’un est connu, l’autre pas ; le premier a été érigé en symbole, le second oublié des mémoires. De Malik Oussekine, il a été à nouveau beaucoup question dans le contexte de révolte des gilets jaunes et de violences policières inouïes.[2] On se souvient qu’il fut roué de coups rue Monsieur-Le-Prince par des policiers du peloton de voltigeurs motorisés (PVM), en marge de rassemblements d’étudiants à la Sorbonne contre la loi Devaquet, alors qu’il sortait d’une boite de jazz. Nous étions alors en pleine mobilisation contre ce projet de loi qui entendait – déjà ! – accroitre l’autonomie des universités et instaurer une sélection à l’entrée. Depuis plusieurs semaines, les manifestations étudiantes avaient été nombreuses, massives et durement réprimées par les forces de l’ordre. Cependant, contrairement à ce que donne à voir le film par des images d’archives d’autres rassemblements de ce mouvement et une reconstitution avec des voltigeurs, ce soir-là les étudiants rassemblés