Écologie

La modélisation prospective face au dilemme abondance/sobriété

Ingénieur, Ingénieur

La fin de l’abondance, comme l’annonçait le président Macron il y a six mois, se veut la promesse d’une société où la sobriété contribue à réduire la consommation d’énergie de manière pérenne et équitable. Après avoir été reléguée au second plan jusqu’au début des années 2010, la sobriété est devenue un sujet incontournable dans les exercices de prospective énergie-climat. La modélisation prospective joue un rôle essentiel dans les transformations qu’impose la crise climatique : des modes de vie sobres en énergie et en ressources, correspondant à la « sufficiency » vantée par le 6e rapport du GIEC.

La perspective de la fin imminente de la prospérité n’en finit pas de ressurgir régulièrement depuis l’avènement de la société de consommation. Dernier épisode en date, les propos solennels d’Emmanuel Macron à l’occasion du Conseil des ministres de la fin de l’été dernier sur la fin de l’abondance et des certitudes, suivi par un plan sur la sobriété énergétique début octobre.

publicité

Pourtant, ces périodes de tension et de remise en cause d’un mode de vie énergivore ont jusqu’à présent une incidence très limitée sur l’organisation de nos sociétés. Qu’en sera-t-il cette fois-ci ?

En examinant le rôle qu’a joué la modélisation prospective au cours de ces épisodes de tension, des années 1970 jusqu’à la publication du dernier rapport du GIEC, l’histoire récente apporte un éclairage précieux. Au cours de cette période, le recours aux modèles numériques de prospective s’est en effet imposé comme un pilier des débats et de la construction des décisions face aux enjeux de long terme liés à l’usage de ressources naturelles.

1972. Modélisation et remise en cause de la société d’abondance

La modélisation prospective puise ses racines dans l’immédiat après-guerre où elle fut utilisée pour soutenir les efforts de planification dans un contexte de reconstruction et de guerre froide. Cette pratique n’a depuis lors cessé de se développer, bénéficiant notamment des progrès de l’informatique. Gouvernements et acteurs privés y ont de plus en plus recours pour s’orienter face aux incertitudes du futur, dont celles que génère la crise climatique.

Au début des années 1970, le rapport Meadows « Les limites à la croissance » introduit un genre nouveau d’exercice de prospective qui s’appuie sur des modèles globaux. L’époque est à la remise en cause des modes de développement intensifs en ressources et à une prise de conscience grandissante des effets environnementaux néfastes de l’industrialisation des pays du Nord qui constitue le moteur du régime d’abondance matérielle qui s’instaure. L


Christophe Cassen

Ingénieur, Chercheur au CNRS

Thomas Le Gallic

Ingénieur, Chercheur au CNRS