Quand la démocratie israélienne se retourne contre elle-même
Dans une conversation avec la philosophe italienne Giovanna Borradori engagée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, Jacques Derrida développe la comparaison entre la vulnérabilité des démocraties et les maladies auto-immunes. De même que le corps peut se retourner contre les cellules censées le protéger des maladies, la démocratie peut se retourner contre elle-même et attaquer mortellement ses garde-fous, au premier rang desquels l’état de droit et la primauté de valeurs constitutionnelles sur les volontés individuelles.

Benjamin Netanyahou aurait été bien inspiré de se rappeler de cette leçon avant de faire alliance avec la liste « Sionisme religieux » (HaTzionut HaDatit), nouvelle force politique ayant obtenu 14 sièges aux dernières élections du 1er novembre dernier, les cinquièmes en trois ans. Certes, leurs résultats sont sans appel : après 18 mois dans l’opposition, Benjamin Netanyahou, l’infatigable leader du Likoud, revient au pouvoir. En dépit des trois affaires de corruption pour lesquelles il est aujourd’hui mis en cause, sa formation a obtenu 32 sièges sur 120 à la Knesset.
Il a ainsi pu annoncer la composition du 37e gouvernement d’Israël au président Isaac Herzog vingt minutes avant le délai fixé, et après sept semaines d’intenses tractations entre les partis formant la coalition. Ce retour se fait cependant au prix d’une alliance qui laisse songeur sur l’avenir de la démocratie israélienne. La liste « Sionisme religieux » rassemble en effet le courant mené par Bezalel Smotrich, qui se voit confier le ministère des Finances en alternance avec le leader du Shas Aryeh Deri, condamné pour fraude fiscale, et celui du parti Puissance juive (Otzma Yehudit), dirigé par Itamar Ben Gvir.
Ce dernier n’hésite pas à déclarer son admiration pour Baruch Goldstein[1] et exige d’assouplir les règles d’engagement de la police des frontières vis-à-vis des Palestiniens pour leur permettre de tirer à balles réelles – il avait ainsi déclaré sur Galei Tsah