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La (très) longue histoire des retraites

Historienne, Historien, Historien, Historien, Historien

Si notre système de retraite est aussi ambitieux, c’est en grande partie parce qu’il est issu d’une longue histoire de conquêtes sociales. Des dispositifs extrêmement variés, aux conceptions parfois diamétralement opposées, ont vu le jour au cours des derniers siècles afin de prendre en charge la question du risque vieillesse. Le système actuel porte les traces de cette histoire, dont la généalogie peut remonter au XVe siècle.

En avril 2019, Emmanuel Macron jugeait « hypocrite » le report de l’âge de départ à la retraite. Trois ans plus tard, il s’agit de la mesure phare du projet porté par Élisabeth Borne. Celui-ci s’inscrit dans une dynamique de plus long terme de dégradation des droits à la retraite. Le mouvement social qui s’annonce est l’occasion de revenir sur l’histoire conflictuelle du système de retraites français[1].

Celui-ci repose sur le principe de la répartition : des cotisations sont prélevées sur les salaires des actifs, afin de financer les pensions des retraités. L’OCDE note en 2021 que « le système de retraite français offre une bonne protection qui se traduit par un revenu disponible moyen élevé pour les plus de 65 ans en comparaison internationale »[2].

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Si ce système de retraite est aussi ambitieux, c’est en grande partie parce qu’il est issu d’une longue histoire de conquêtes sociales[3]. La retraite apparaît comme un objet historique complexe qui s’inscrit dans des dynamiques de longue durée. Des dispositifs extrêmement variés, aux conceptions parfois diamétralement opposées, ont vu le jour au cours des derniers siècles afin de prendre en charge la question du risque vieillesse. Le système actuel porte les traces de cette histoire, dont la généalogie peut remonter au XVe siècle.

L’Ancien régime et la Révolution : du fait du prince au droit

Contrairement à une prénotion courante, les historiens ont montré que le Moyen Âge n’est pas un monde de jeunes. Les « vieux » y sont nombreux et jouent un rôle important[4] . La notion de vieillesse se comprend alors comme le synonyme d’impotence physique. Lorsque le greffier du Parlement Nicolas de Baye, âgé de 52 ans, n’arrive plus à lire les registres du tribunal sans lunettes, Charles VI lui propose de terminer sa carrière en tant que juge[5]. Dans les administrations de l’État central, c’est aux alentours de 60 ans qu’on clôt les carrières. Aux jeunes le travail, aux vieux le repos ; ce principe semble s’établir à


[1] Texte rédigé sur la base d’une note des mêmes auteurs publiée par l’Institut La Boétie.

[2] Boulhol Hervé et Queisser Monika, « Panorama des pensions 2021 : Comment la France se situe-t-elle ? », éditions OCDE, 2021.

[3] Da Silva Nicolas, La Bataille de la Sécu, une histoire du système de santé, Paris, La Fabrique, 2022.

[4]Autrand Françoise, « La force de l’âge : jeunesse et vieillesse au service de l’État en France aux XIVe et XVe siècles », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1985, p. 221.

[5] Journal de Nicolas de Baye, éd. A. Tuetey, Paris, 1885 et 1888., t. 2, p. 278.

[6] Mattéoni Olivier, Servir le prince. Les officiers des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (1356-1523) : étude d’une société politique, mémoire de thèse de doctorat, Université de Paris-I, 1994, t. 2, p. 598.

[7] Offenstadt Nicolas, En place publique. Jean de Gascogne, crieur au XVe siècle, Paris, éditions stock, 2013, p. 110-112.

[8] Autrand Françoise, Naissance d’un grand corps de l’État…, op. cit., p. 17.

[9] Pour un éclairage plus complet, se reporter à Imbert Jean, (dir.), La protection sociale sous la Révolution française, Paris, Association pour l’étude de l’histoire de la Sécurité Sociale, 1990

[10] Masméjan Jean-Baptiste, « Le comité de mendicité mandaté par la nation : vers une harmonisation de la politique d’assistance des valides (1790-1791) », Cahiers Jean Moulin, n° 2, 2016

[11] Steiner Philippe. « Les Physiocrates et la Révolution française », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, vol. 20, n°2, 2004, p. 3

[12] Nicolas Da Silva, dans La bataille de la Sécu, fournit une synthèse efficace de la portée et des limites des réalisations en matière de protection sociale sous la Révolution française.

[13] Viet Vincent, « La question sociale et son traitement à la fin du XIXe siècle. Une comparaison France-Allemagne, Histoire & Sociétés. Revue européenne d’histoire sociale, n° 6, avril 2003, p. 6 -21.

[14] Perrier Antoine et Zappi

Isabelle d’Artagnan

Historienne, Docteure en histoire médiévale à Sorbonne université

Marc Belissa

Historien, Professeur émérite à l'Université Paris-Nanterre.

Paul Mayens

Historien, Doctorant en histoire contemporaine à l'Université Paris-1 Panthéon Sorbonne

Léo Rosell

Historien, Doctorant en histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne

Jean Vigreux

Historien, Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne

Notes

[1] Texte rédigé sur la base d’une note des mêmes auteurs publiée par l’Institut La Boétie.

[2] Boulhol Hervé et Queisser Monika, « Panorama des pensions 2021 : Comment la France se situe-t-elle ? », éditions OCDE, 2021.

[3] Da Silva Nicolas, La Bataille de la Sécu, une histoire du système de santé, Paris, La Fabrique, 2022.

[4]Autrand Françoise, « La force de l’âge : jeunesse et vieillesse au service de l’État en France aux XIVe et XVe siècles », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1985, p. 221.

[5] Journal de Nicolas de Baye, éd. A. Tuetey, Paris, 1885 et 1888., t. 2, p. 278.

[6] Mattéoni Olivier, Servir le prince. Les officiers des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (1356-1523) : étude d’une société politique, mémoire de thèse de doctorat, Université de Paris-I, 1994, t. 2, p. 598.

[7] Offenstadt Nicolas, En place publique. Jean de Gascogne, crieur au XVe siècle, Paris, éditions stock, 2013, p. 110-112.

[8] Autrand Françoise, Naissance d’un grand corps de l’État…, op. cit., p. 17.

[9] Pour un éclairage plus complet, se reporter à Imbert Jean, (dir.), La protection sociale sous la Révolution française, Paris, Association pour l’étude de l’histoire de la Sécurité Sociale, 1990

[10] Masméjan Jean-Baptiste, « Le comité de mendicité mandaté par la nation : vers une harmonisation de la politique d’assistance des valides (1790-1791) », Cahiers Jean Moulin, n° 2, 2016

[11] Steiner Philippe. « Les Physiocrates et la Révolution française », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, vol. 20, n°2, 2004, p. 3

[12] Nicolas Da Silva, dans La bataille de la Sécu, fournit une synthèse efficace de la portée et des limites des réalisations en matière de protection sociale sous la Révolution française.

[13] Viet Vincent, « La question sociale et son traitement à la fin du XIXe siècle. Une comparaison France-Allemagne, Histoire & Sociétés. Revue européenne d’histoire sociale, n° 6, avril 2003, p. 6 -21.

[14] Perrier Antoine et Zappi