Politique des actrices – à propos de Delphine Seyrig
«Sois belle, et tais-toi » : la voix suave de Delphine Seyrig énonce le titre de son film, son troisième comme réalisatrice, avant que, de sa main, elle ne présente plein cadre les photos des actrices qu’elle a interrogées sur leur métier commun.

Ces interviews, enregistrées entre 1975 et 1976, dessinent un portrait de groupe de comédiennes américaines, québécoises, françaises de 20 à 60 ans. Leur assemblage assume d’emblée son caractère de home made movie, dicté par la vidéo légère avec laquelle il est tourné. La spontanéité du medium a aussi fait du film, au cours des années, un objet aussi mythique que difficile à voir.
Home made movie
Sois belle et tais-toi ressort sur les écrans, restauré par la BnF et le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir. Depuis sa sortie plutôt confidentielle à la fin des années 1970, son aura a continuellement clignoté par la diffusion d’extraits (notamment dans le réjouissant Delphine et Carole, insoumuses, récit de l’amitié créatrice entre Seyrig et Roussopoulos sous la forme d’un documentaire d’archives réalisé par Callisto Mc Nulty, petite-fille de la seconde), grâce au travail des universitaires Hélène Fleckinger et Nicole Brenez, infatigables passeuses de cette œuvre ou enfin grâce à une diffusion institutionnelle.
On savait que l’objet existait, on savait de quoi il était fait, mais on en connaissait surtout des bribes ou des copies fatiguées. On a enfin la chance de le voir et de l’entendre, malgré le caractère périssable du support sur lequel il a été tourné, dans des conditions proches de ce qu’il a été.
Seyrig assume une parfaite décontraction de la forme, qui tient autant à son rapport direct avec les comédiennes qu’à l’immédiateté du support qu’elle utilise. On voit les coutures, on entend parfois la voix de la réalisatrice qui commente bord cadre ou précise un propos. L’entretien s’interrompt parce qu’on frappe à la porte ou on entend une conversation qui a cours à côté. En entrant dans les foyers de ses semblable