Littérature

Bienvenue dans un monde post-littéraire

Critique

Après la littérature, il y a certes une vie littéraire, mais quelle est-elle ? L’essai de Johan Faerber tombe à point en cette rentrée « post-littéraire » 2018, bien qu’il n’envisage pas pleinement les formes que peut prendre une telle « revie ». Et notamment hors des livres – comme par exemple au festival « Extra ».

La rentrée littéraire 2018 pourrait se partager en deux camps. D’un côté ceux qui font comme si rien n’avait changé dans le paysage, et qui enchaînent cette rentrée comme les précédentes, avec son lot de publications, enthousiasmantes ou déceptives, de premiers romans, de signatures de livres, et de prix à l’horizon. Et d’un autre côté, ceux qui ont pris acte d’une évidence plus que montante, aussi irrécusable que le réchauffement climatique : à savoir que la littérature n’est plus tout à fait ce qu’elle était, qu’elle avait changé de situation, de stature, de condition, et de formes aussi.

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On pourrait en relever bien des indices, voire des symptômes : qu’on songe par exemple à l’essai Après le Livre de François Bon, dans lequel l’auteur dresse le portrait de l’écrivain contemporain au travail, entouré d’écrans, de tablettes, de logiciels de traitements de textes, de notes numériques prises d’abord sur son téléphone portable, Internet devenant non seulement un espace d’édition, mais également le lieu dépositaire de son archive, et encore le véritable atelier de l’écrivain au travail. Qu’on songe encore à Dennis Cooper qui multiplie les blogs et les avatars sur Internet, et qui intègre les posts de ses lecteurs internautes dans la matière-même de ses écrits.

Du côté de l’université, quand William Marx étudie les multiples « adieux à la littérature » proférés par les auteurs du XXe siècle, en retour le théoricien suisse Vincent Kaufmann enregistre ce que la télévision fait à la littérature, comment elle sort l’écrivain de son espace lisible pour lui imposer d’opérer dans le champ du visible. Kaufmann pousse encore plus loin ses « considérations médiologiques » et fait le lien entre cette condition « surexposée » de l’écrivain et la montée en force de l’autobiographie ou autofiction : si Barthes avait proclamé la « mort de l’auteur » en 1968, cette position avant-gardiste n’est plus tenable quand dans le même temps, l’écrivain est invité à venir parler de so


Jean-Max Colard

Critique, Responsable du service de la parole au Centre Pompidou, commissaire d’exposition et spécialiste de littérature française contemporaine

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