Face à la sixième extinction : faire œuvre de mémoire ?
Un projet européen de grande envergure vise à rendre accessibles d’ici 2030 environ 40 000[1] modèles 3D d’objets naturels. Ce projet scientifique, porté par l’infrastructure RECOLNAT[2] (réseau national des collections naturalistes) et piloté par le Muséum National d’Histoire Naturelle porte en lui la promesse d’une science accessible à tous et toutes par le partage de l’ensemble des collections naturalistes françaises au sein d’un réseau élargi.

Cette entreprise ambitieuse peut sembler paradoxale dans un moment où la biodiversité connaît une chute sans précédent et où une sixième extinction de masse est en cours. Quel est donc ce geste de l’archive et de quoi est-il la réponse ? Que faisons-nous quand nous archivons des fragments du monde vivant ? Répondons-nous à ce besoin de conserver ce qui peut être mis à l’abri avant sa disparition imminente ? Répondons-nous au fatalisme d’archiver ce qui se meurt par ailleurs ? Ceci pourrait être le cas, seulement si nous envisageons l’archive comme un réceptacle mort, qui n’aurait pas de puissance d’agir propre et serait une sorte de conservatoire sans vie.
Ceci pourrait également être le cas, si on ne considère pas assez la valeur scientifique du patrimoine des collections naturalistes. Je soutiens, avec d’autres[3], le caractère agentiel de l’archive et l’urgence des arts de la mémoire nous permettant de nous donner les capacités d’actions émotionnelles, en d’autres termes de l’encapacitation, indispensable à notre engagement dans les temps troublés que nous traversons. Il me semble que la dimension active des archives est d’autant plus saisissable dans la matérialité diffuse des archives numériques, qui permettent de faire exister ces objets naturels en d’autres endroits de la Terre et de favoriser un mode d’attention poussé à ces artefacts du monde vivant. Ils circulent. Chaque espace de circulation devient pour eux un nouveau champ d’action. Ils mutent.
Des formats pour mettre la science en culture
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