Au vif – sur « Der Sonnenstich » de Katinka Bock
On entre dans « Der Sonnenstich », l’exposition de Katinka Bock à la Fondation Pernod Ricard, comme à l’intérieur d’un espace-temps suspendu, déployé par recto et verso dans un lieu ouvert sur la rue d’Amsterdam d’un côté, sur les voies de la gare Saint-Lazare de l’autre.

Quelque chose s’y joue d’un ordre tout à fait singulier : une expérience de regard et de corps dont la quiétude et la sobriété vont à rebours des milliards de millions d’images swipées, scrollées, e-mailées à tout instant. L’exposition conçue avec le curateur Christophe Gallois offre ainsi un idéal chemin de traverse, qu’en anglais on nomme « desire line ». Et c’est précisément une forme d’ultra-sensibilité sans pathos ni mièvrerie mais aussi charnelle que méticuleusement composée, qui affleure à la surface de chacune des soixante-cinq photographies sans légendes, déployées le long des murs blancs, parfois isolées ou rassemblées sur des cloisons suspendues que l’on voudrait voir balancées par un courant d’air invisible à l’œil nu.
« L’insolation » (du papier photographique ou de la peau trop longtemps exposée à la lumière) pourrait être l’une des occurrences de « Der Sonnenstich ». On pourrait plus littéralement le traduire par « la piqûre du soleil » – cette piqûre également condition sine qua non de l’apparition des images dans nos cerveaux. L’astre qui se consume depuis la nuit des temps, et comment savoir pour combien de siècles encore ?, nous pique sans cesse au vif pour littéralement révéler, à l’instar de l’émulsion d’argent dans un bain de révélateur, les mouvements et couleurs du monde. Il illumine ou obscurcit nos objets, nos visages, les lieux que nous traversons et en retour nous traversent. Il est le seul à pouvoir dessiner la forme des ombres. Ce soleil si cher à Eadweard Muybridge qui, au XIXe siècle, distribuait sa carte de visite imprimée au nom d’Hélios, a également été magistralement photographié au péril de sa propre vue par la photographe Zoe Leonard dans la série Av