Afrique et restitutions : l’heure d’une justice ventriloque a-t-elle sonnée ?
Désormais un classique dans l’analyse de l’Afrique contemporaine, De la Postcolonie[1], ouvrage publié en l’an 2000 par l’historien camerounais Achille Mbembe, peut faire l’objet de plusieurs lectures. L’une d’elle fait de la postcocolonie une nouvelle forme de société africaine caractérisée par un cosmopolitisme tant culturel que pratique et comportemental dans tous les domaines après le moment colonial. C’est un ouvrage qui, si nous reprenons les mots propres de son auteur, est « une interrogation existentielle et historique sur ce que nous faisons de nous-mêmes une fois que le colon est parti[2]. »

Cependant, s’agissant de la colonisation, Frederick Cooper et Ann Laura Stoler mettent en avant une coproduction des colonies assurée à la fois par le colonisateur et le colonisé. D’après eux, « plutôt que de raconter les colonisations d’un seul point de vue, celui de la métropole ou celui de la colonie devenue indépendante », il faut « les englober dans une histoire des empires qui permet d’étudier ensemble, dans leurs interactions réciproques, les dominants et les dominés. Les colonies n’étaient pas des espaces vierges qu’il suffisait de modeler à l’image de l’Europe […] L’empire n’a jamais été omniprésent ou monolithique. Les frontières entre blancs et colonisés sont perméables et changeantes. Parfois les colonisés sont classés dans des catégories où certains comportements les feront accuser de viol. Parfois l’empire ouvre la possibilité aux mariages entre colons et colonisés[3]. »
Il en découle, d’une part, que l’éthos précolonial africain, malgré la répression, s’est retrouvé actif au sein de l’État-colonial et, d’autre part, que les rapports de nature coloniale se rencontrent encore dans plusieurs postcolonies comme par exemple le rôle toujours prégnant des anciennes puissances coloniales dans les politiques internes de leurs anciennes colonies. Les postcolonies ne sont donc pas les seules nouvelles formes de sociétés apparues chez les dominés du monde