Écrire la mort dans l’espace de la vie : quelle place pour l’euthanasie ?
Les récents débats sur la fin de vie tendent à enfermer dans une alternative binaire, pour ou contre une aide active à mourir. Cette alternative s’incarne dans deux entreprises morales[1] dont l’une est le fait des soignants des soins palliatifs qui s’appuient sur la légitimité de la médecine à accompagner sereinement le patient ; l’autre est celle des défenseurs d’une aide active à mourir qui mettent en œuvre un droit à la liberté et à mourir dans la « dignité ».

Cette polarisation des échanges nous enferme dans un monde restreint et simplifié qui paralyse face à la radicalité et la violence des choix. Pourtant, derrière les discours portés par ces deux entreprises morales, la mort se décide au quotidien dans les services hospitaliers.
Qu’il s’agisse de la laisser venir ou de la donner, la mort doit pouvoir s’écrire dans les pratiques, dans les manières de faire et de dire. C’est la possibilité d’articuler ces décisions à un cadre de pratiques qui les rend possibles, sans quoi elles deviennent éminemment difficiles, lourdes et violentes pour les acteurs qui sont en prise avec elles. La difficulté semble alors moins liée au refus de transgression à l’égard du principe de sacralité de la vie qu’à la difficulté à inscrire cet acte dans les pratiques médicales des services hospitaliers.
En pratique, la distinction entre laisser venir la mort et la donner est ténue et repose largement sur une construction sociale qui vise à gommer l’intentionnalité de l’acte, pour en supporter le poids. Cependant, cette volonté de gommer et ignorer l’intentionnalité de l’acte ne sont pas aujourd’hui sans difficultés et sans charge morale pour les équipes médicales.
Pour en faire la démonstration, il nous faut d’abord revenir sur les décisions médicales de fin de vie en France – à partir d’un matériau d’enquête récolté au cours d’une dizaine d’années de recherches s’inscrivant dans le milieu hospitalier (de 2000 à 2012) – afin de porter un nouveau paradigme du mourir qui assume