Société

L’agentivité morale et l’aide active à mourir

Chercheuse en travail social, Philosophe

La Convention citoyenne sur la fin de vie a récemment achevé la phase délibérative de ses travaux. Les premières orientations issues des délibérations entre les 185 citoyens qui la composent témoignent d’un appui sans équivoque à la dépénalisation de l’aide active à mourir. Ce débat, désormais institutionnalisé, amène à réfléchir sur le destin possible de la France et sa gestion de l’euthanasie, à la lumière de la légalisation relativement récente de l’aide médicale à mourir au Québec puis à l’ensemble du pays.

L’aide médicale à mourir (AMM) a été légalisée au Québec en 2015 et ensuite ailleurs au Canada en 2016. C’est en empruntant des chemins différents que le Québec et les autres provinces canadiennes en sont arrivés à l’intégration de l’AMM aux soins de fin de vie. D’un côté, le choix du Québec d’ouvrir l’aide médicale à mourir est issu d’une démarche participative et délibérative ayant des points communs avec la Convention citoyenne française. Une commission parlementaire transpartisane a sillonné le Québec en 2010 et 2011 afin de permettre aux citoyens de se prononcer sur l’état des soins de fin de vie et sur les changements à y apporter.

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Dans les autres provinces canadiennes, c’est à la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada que le gouvernement fédéral a dû amender le code criminel afin que l’aide à mourir administrée par un professionnel de la santé ne soit plus, sous certaines conditions, considérée comme un homicide. D’un point de vue démocratique, la voie participative et délibérative est évidemment largement préférable.

Si la question de l’acceptabilité morale de l’euthanasie volontaire et du suicide assisté divisait d’abord la population québécoise, le processus consultatif a permis de dégager un consensus parmi les élus des différents partis politiques. Les membres de la commission parlementaire en sont venus à la conclusion que les adultes en fin de vie, capables de discernement, souffrant d’une maladie grave et incurable et se trouvant dans une situation de souffrance réfractaire, devraient pouvoir demander une aide à mourir administrée par un médecin. Les membres de la commission ont aussi réclamé un meilleur accès à des soins palliatifs de qualité pour tous. Ces recommandations ont été reprises dans la Loi concernant les soins de fin de vie de 2015.

Huit ans plus tard, l’AMM jouit d’un large soutien populaire. En effet, plus d’aides médicales à mourir sont prodiguées au Québec qu’en Belgique et qu’aux Pays-Bas. Si un nombre important


[1] Jocelyn Maclure et Isabelle Dumont, « Aide médicale à mourir et objection de conscience des médecins : pour un débat plus nuancé », Éthique publique, 21, 2, 2019.
[2] Groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir et l’inaptitude, « L’aide médicale à mourir pour les personnes en situation d’inaptitude : le juste équilibre entre le droit à l’autodétermination, la compassion et la prudence », Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2019.
[3] Charles Taylor, Les sources du moi, Seuil, 1998.
[4] Ronald Dworkin, Life’s Dominion. An Argument about Abortion, Euthanasia, and Individual Freedom, Vintage Publisher, 1994.
[5] Samuel Scheffler, Death and the Afterlife, Oxford University Press, 2016.

Isabelle Dumont

Chercheuse en travail social, Professeure de travail social à l’Université du Québec à Montréal

Jocelyn Maclure

Philosophe, Président de la Commission de l’éthique en science et en technologie du Québec

Mots-clés

Euthanasie

Notes

[1] Jocelyn Maclure et Isabelle Dumont, « Aide médicale à mourir et objection de conscience des médecins : pour un débat plus nuancé », Éthique publique, 21, 2, 2019.
[2] Groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir et l’inaptitude, « L’aide médicale à mourir pour les personnes en situation d’inaptitude : le juste équilibre entre le droit à l’autodétermination, la compassion et la prudence », Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2019.
[3] Charles Taylor, Les sources du moi, Seuil, 1998.
[4] Ronald Dworkin, Life’s Dominion. An Argument about Abortion, Euthanasia, and Individual Freedom, Vintage Publisher, 1994.
[5] Samuel Scheffler, Death and the Afterlife, Oxford University Press, 2016.