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Taïwan : une délicate réforme du service militaire

Politiste

Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borell, appelait récemment les soldats des pays membres à patrouiller dans le détroit de Taïwan « pour signifier l’attachement de l’Europe à la liberté de navigation dans cette zone absolument cruciale ». Alors que les menaces de la Chine se multiplient, Taïwan a pour sa part pris l’initiative de réformer son service militaire.

La série d’exercices militaires chinois d’avril 2023 autour de Taïwan a suscité moins de réactions internationales que la session précédente d’août 2022. Les déclarations d’Emmanuel Macron sur Taïwan leur ont, il est vrai, en partie volé la vedette dans la presse. Pourtant, ces exercices ont mobilisé les groupes aéronavals chinois et des dizaines d’avions, simulant un encerclement aérien et naval de l’île en même temps que Pékin annonçait une série d’inspections du trafic maritime, signalant sa capacité à faire le blocus de l’île.

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On y voit la normalisation de la pression militaire contre l’île. Ces mouvements, chacun plus rapproché dans le temps et plus intense que le précédent, induisent à l’extérieur un sentiment d’habitude permettant à Pékin de mener la danse et de progresser sans provoquer de contrecoup sérieux. Si l’Armée populaire de libération (APL) avait brusquement fait de même il y a cinq ou six ans (tir de missiles au-dessus de Taipei, encerclement aérien et maritime de l’île, harcèlement quotidien de la chasse taïwanaise sur la ligne médiane), il y a fort à parier que les réactions auraient été plus fortes.

En attendant, le rapport de force dans le détroit de Taïwan continue à glisser en faveur de la Chine, qui construit des navires de guerre à tour de bras depuis deux décennies. L’APL est aujourd’hui bien plus puissante que l’armée taïwanaise – et elle constitue une menace crédible contre l’aéronavale américaine – ce qui rapproche Pékin de son objectif, rappelé sans ambages vendredi dernier par l’ambassadeur de Chine en France Lu Shaye : prendre Taïwan par « tous les moyens ».

En face, le défenseur taïwanais sonne l’alerte, et se réarme après une longue période de disette. Le 27 décembre, Taipei annonçait le rétablissement pour 2024 du service militaire d’un an (contre quatre mois actuellement), afin d’augmenter la masse de son armée. Mais pour faire de ce changement une réalité, les obstacles sont nombreux et il n’est pas garanti que tous se


François Etienne

Politiste, Spécialiste des questions de défense chinoise et d’Asie de l’est