L’appartement de Vienne
Le jour où j’arrivais en Allemagne, dans la première quinzaine d’octobre, pour un séjour professionnel de longue durée, Beyrouth connaissait une brève rechute dans la guerre civile et il faisait beau. L’Allemagne que j’ai souvent habitée ces deux dernières décennies et de laquelle je me suis toujours empressé de repartir est historiquement le pays le plus propice à mon travail et elle le demeure sans doute à celui que je mène depuis une dizaine d’années maintenant et que je suis venu achever ici dans un isolement complet. Il n’y a que dans les villes allemandes, parmi le plus grand nombre d’Allemands possible, de gens parlant allemand, avec des intonations allemandes, que je retrouve la configuration politique indispensable à mon travail, sans laquelle le travail, de manière générale, d’abattre un quelconque travail, ne me viendrait même pas à l’esprit. C’est un endroit, l’Allemagne, où je me sais encerclé d’une musique que je ne comprends pas, vraiment le seul, de tous, à me placer en conflit immédiat avec la langue allemande. C’est le pays de ma nationalité.
Il était assez improbable, à vrai dire, que je puisse revenir comme je le fais cet automne en Allemagne, à Berlin, tellement Berlin est une ville hospitalière et tellement elle manque en conséquence de logements. Avant que le miracle dont je profite ici ne se produise, j’ai dû fouiller pendant des jours les sites de sous-locations et de locations meublées. Il m’a fallu souscrire à quantité de newsletters, poster des annonces dans le vide et mettre des alertes immobilières partout et sans discernement, y compris sur des sites d’arnaques évidentes. Je me suis surpris quelquefois à consulter les pages des divers expatriés de Berlin qui sont vraiment les pires de toutes les pages consacrées à la ville. Après des semaines de recherches pourries, je me suis résigné à écrire à des gens à qui je n’avais pas parlé depuis l’époque où j’habitais à Berlin, et même depuis l’époque plus lointaine où je ne faisais que de bre