International

L’Évasion

Musicien et vidéaste

Lorsqu’en septembre 2022 Vladimir Poutine décrète la mobilisation partielle, l’artiste Artiom Solntsev décide de quitter le pays au plus vite. Découvrant le chaos qui règne aux frontières, il se voit interdit de sortie du territoire, mais parvient à se cacher et à gagner l’Union européenne grâce aux conseils d’une organisation clandestine. Artiom Solntsev est aujourd’hui en France, où il a demandé l’asile. Son récit traduit par Pierre Levinski témoigne des réactions de la société russe à la guerre et de la mise en place de réseaux de résistance.

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Avant de commencer le récit de mon évasion de Russie, je tiens à préciser ce qui suit :

– La Russie a lancé une monstrueuse guerre d’invasion en Ukraine, qui est en train de devenir une guerre de la Russie contre le monde entier, contre elle-même et, évidemment, contre la vie en tant que telle. Mon évasion correspond à un désir que la vie reste vie et ne se change pas en mort.

– Mon expérience de l’activisme politique a commencé lorsque j’avais 15 ans. J’ai aujourd’hui 31 ans. Néanmoins, mon identité première est celle d’artiste, c’est pourquoi les digressions lyriques, les tentatives de réflexion et de généralisation joueront un rôle non négligeable dans le récit de mon évasion.

– Ma fuite de la guerre, comme celle de très nombreux hommes de Russie, est très différente de celle des réfugiés ukrainiens. Aucune bombe ne tombe sur nos maisons. Je ne puis m’empêcher de noter cette différence cruciale.

– Je ne me considère pas comme un homme courageux. Pourtant, une fois que je suis arrivé à Paris, mes proches m’ont dit que j’avais fait preuve de courage, non seulement parce que j’ai décidé de quitter la Russie, mais aussi parce que je n’ai pas baissé les bras la première fois que l’on m’a refusé de sortir du pays. Ils ignorent hélas à quel point je tremblais de peur, de paranoïa et de réprobation envers moi-même ! Car nous ne fuyons pas des bombes en train de tomber, mais un risque élevé d’être mobilisés et appelés à faire la guerre. Je tremblais de peur, mais j’ai réussi à agir malgré la peur.

– Ainsi, au point de départ de cet exposé, nous avons deux notions : la peur et l’action, qui forment deux combinaisons affectives, la peur de l’action et l’action de la peur. C’est d’ailleurs sans doute par le jeu conjoint de ces deux combinaisons que je pourrais caractériser la vie en Russie de ces 22 dernières années. Ou même peut-être tout au long de l’existence de l’« État russe », sous une forme ou une autre.

Le 21 septembre 2022, Vladimir Poutine a annoncé une


Artiom Solntsev

Musicien et vidéaste

Mots-clés

Guerre en Ukraine