Poésie

je ne veux pas me débarrasser

Écrivain, poète

Suite de notre série consacrée aux jeunes écrivains prometteurs. Cyprien Muth est diplômé de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre (Bruxelles) et a rassemblé ces 38 poèmes, ou flashs, ou réminiscences, qui mettent en regard l’expérience traumatique et le quotidien, ouvrent l’éventail infini des choses de la vie – l’amour, l’alcool, la ville sous le soleil ou la pluie… –, et vont à l’essentiel.

Parfois la vie est si étroite

Je bande mon arc

Plie mais ne rompt pas

J’ordonne

Vouloir un adieu

 

*

 

Je veux vous dire que ma vie est corrompue

Le jour je me détends

Le soir

Je serre les mâchoires

J’écoute les pneus

Je grimpe dans ma tête pour ne pas oublier

Que demain aussi il faut

Le grand zapoï pour se guérir

Les amis harponneurs de tout ce qui fait du bien

Comme le bonheur par exemple

La bonne fringale

Cul sec des litres d’eau

Des bijoux pour dehors des bijoux pour dedans

Le calme au sang

 

*

 

Addict à

On me parle dans les tympans

 

*

 

Je suis le fond du bus

J’ai la

Pupille sabrée sous la casquette

Le monstre sous le lit qui grogne

L’œil qui se souvient borgne avoir mariné

 

* *

*

 

Les mains qui ont cherché à tort

 

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*

*

 

Les gens d’ici vivent rideaux fermés

Je ne comprends pas pourquoi

Je me suis caché

 

*

 

Parfois je ne sais plus

Où je suis passé

 

*

 

À midi plus huit crève rouge sur pales éoliennes

Mélanger jus de monde

Les portes du métro

La en rose sur vieux magnéto

 

*

 

Les grandes embrasures me crispent les épaules

 

*

 

Il y a au moins une forêt dans mon crâne et chaque tronc s’ouvre sur un mur. Un hectare d’alvéoles dans mes poumons. J’essaye de penser un peu plus loin sur la route. La matière grise une bouillie. Je m’excuse encore et encore. Les saules gangrenés par le gui.

 

* * *

 

Tu peux être une tombe

Jusqu’à ta tombe

 

*

 

J’ai peur de parler

À la place

Je fais des trous noirs

Hier encore

Je toque à ma porte

Je fais semblant de m’habiller

 

*

 

La pluie rentre le linge

 

*

*

 

L’imprimé sur le pull de grand-père s’effrite

 

*

*

 

Sur les trottoirs

La capitale des gens bien coupés

Me souffle

 

*

 

On marche les dents serrées

Un caravansérail sous la ceinture

 

*

*

*

 

Le bruit familier d’une arme russe

 

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*

*

 

Les choses existent

Je les manipule avec le début de l’ivresse

Ou la fin d’un livre dit

La vraie part sombre sous la fausse

C’est plein de mots en – ir

 

La nuit m’engourdit

Me réveille

 

*

 

La descente d’alcool

Que tu remontes jamais à vélo

Parce que le vélo est toujours cassé

À l’heure où la terre promise ça n’existe pas

 

* *

 

Je paye le ravalement de façade

Je retiens les larmes

Des ironies étranges

Pour que les choses arrivent

 

*

 

Un rayon gras ouvre les brins d’immeuble

Les barres

Si j’avais grandi dans l’herbe

Je me serai allongé mille fois plus que vous

 

*

 

J’en suis là

À détester le soleil

Qui rentre chez moi

 

Ça creuse quand tu arrives

Quand tu t’en vas

 

*

 

Il faut se concentrer. Ça fait plus de deux semaines, ça fait toute une vue. L’œil au beurre noir, le beurre sur ma tartine de pain au maïs. J’égrène 5 secondes parce que je n’ai rien de plus. De 5 secondes en 5 secondes. Toi tu es bien plus belle que tout le reste ; tu vaux le coup.

 

*

 

Une eau forte dans un rire

Les péchés

Dans une eau chlorée

 

*

 

Au bout du compte il n’y a que le compte

Et le compte n’est pas bon

J’ai les synapses à sec et pourtant j’abonde

 

* *

*

 

Allongé ici

 

Besoin d’une nuit de douze heures

Besoin de sortir par le toit sans travailler

Besoin de manger vite

Besoin de me ravitailler

Besoin de la vie en bleu

Les mauvais bougres sont de sortie

J’ai besoin qu’on m’ouvre en deux

 

*

 

Heureux écrit au baranne

Le monde en deux mots

 

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*

 

Plein phare

 

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* *

 

Tour Midi

Fait bien

 

*

 

Chanter la langue des phalanges

J’écoute un poignet faire sonner des pierres

Elle a les yeux presque verts

 

*

*

 

À deux tables de l’amour

Tamponné par une Audi

Il y a un lampadaire et c’est une torche dans la nuit

 

*

 

Je jardine la terre

Une grise chevalière

 

*

 

La vase baigne plus dans mon crâne qu’entre les berges

 

Torché torché torché

J’ouvre les yeux

 

*

*

*

 

Quatre roses dans un verre

 

* *

 

Une vallée à l’écran

C’est toi

 

*

 

Le rouge dans les talons

C’est ça qui rend

Les minutes

L’étal de fruits qui force le sol

 

*

 

Les palais me sortent par les yeux

 

Je m’efforce de me donner mandat

Et je me demande

Est-ce que c’est mon cœur qui tape ou j’ai bu trop de café

 

*

*

*

 

J’ai rampé dans les tranchées d’une console

Ce soir je suis immortel

Dans les circuits imprimés

 


Cyprien Muth

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