De la toxicité du Pass Culture pour les bibliothèques et la lecture publique
En lisant la presse, on doit constater la grande unanimité célébrant la réussite du Pass Culture : grâce à lui des milliers de jeunes sont allés dans les librairies. Un vrai choc culturel que traduit, par exemple, ce témoignage cité par ActuaLitté : « Pour d’autres, comme en témoignait Jacques-Étienne Ully, qui vient de créer une nouvelle librairie en Seine-Saint-Denis, cela ressemblait à une rencontre improbable. On sentait bien, quand certains jeunes entraient, qu’ils n’avaient pas les codes de la librairie, qu’ils semblaient presque perdus – du moins, pas à leur place ».
À s’arrêter à ce constat de fréquentation, le Pass Culture a semble-t-il tout du dispositif-miracle pour les politiques culturelles.
Une politique de lecture publique superficielle
Et pourtant, il serait plus raisonnable de s’indigner de cette parodie de politique de lecture publique par le ministère de la Culture lui-même. Le Pass Culture nie, ou méprise la longue histoire républicaine des bibliothèques et des actions collectives en faveur de la lecture. Il balaye d’un sourire moqueur les espoirs suscités par le rapport d’Éric Orsenna et de Noël Corbin. Rappelons-nous le « Voyage au pays des bibliothèques » de 2018, si bien accueilli par le président Macron : on pouvait y lire le grand vœu des deux auteurs : «Gageons que le projet national, que nous appelons de nos vœux et que nous souhaitons construit et porté conjointement par l’État (tous ministères confondus) et par les collectivités locales, amènera plusieurs centaines de milliers d’emprunteurs fidèles supplémentaires dans nos bibliothèques et que ceux qui, nombreux aujourd’hui, fréquentent ces équipements pour lire sur place, écouter, rêver, échanger, débattre, le seront plus encore demain. »
Que devient ce « projet national » avec le Pass Culture ? Il est, pour le dire sans détour, lapidé. Deux éléments suffisent pour dévoiler la supercherie.
Puisque les éternelles modalités d’évaluation des politiques culturelles continuent de ne s’inté