Il y a déjà cinquante ans que les prisons m’occupent et m’interrogent
Il y a 50 ans que les prisons et les enfermements m’occupent et que je continue à chercher à savoir, à comprendre et à faire savoir pour dénoncer, à agir, à pousser aux améliorations des régimes internes et au respect des droits, de la dignité des conditions de vie. Je n’ai cessé d’interroger le pourquoi de cette constance entêtée à vouloir privilégier cette cause-là parmi d’autres engagements possibles, à fréquenter les gens que cela intéresse. Il m’a toujours semblé qu’au-delà de motivations humanistes sociales, éducatives médicales et de la fascination possible pour un monde clôt chargé d’imaginaire transgressif, l’engagement sur la prison est politique, presque une manière de faire de la politique.

Ce qui l’érige, ceux qui gardent, ceux qui y sont enfermés, leurs trajectoires, avant, pendant, et après la prison sont, « comme dans une boule de cristal » une réduction extraordinairement analogue, de la société toute entière permettant de mieux la saisir et d’agir sur elle. La prison reflète non seulement les rapports de force, les inégalités sociales, leurs déterminants et leurs effets, les valeurs économiques et morales, les incriminations et condamnations s’adaptant aux transformations des mœurs et des sensibilités, du poids des religions, les inégalités flagrantes des types et du poids des sanctions pénales en fonction des classes sociales, des nationalités, et des niveaux d’éducation, des capacités de langage et des capacités à s’y adapter ou à en souffrir jusqu’à l’indifférence, ou à en mourir.
C’est comme on le verrait au dehors dans les mondes de l’école, du travail, des difficultés trans-générationnelles dans les familles ou les quartiers ou les communautés enchâssées dans la pauvreté ou des inégalités de santé, dans les dépendances aux produits addictifs. On y voit, caricaturaux, les effets révélés et faciles à lire en prison des grands facteurs de risques traversant tous les milieux sociaux et dont la prévention appelle les grandes réformes néc