Société

Il y a déjà cinquante ans que les prisons m’occupent et m’interrogent

Médecin

Jusqu’au dimanche 3 juillet 2023, à Dieulefit dans la Drôme, se tiendront les « Rencontres de Concertina autour des enfermements ». Des centaines de personnes et d’intervenants, d’artistes, de professionnels de la justice, de militants associatifs, de responsables des politiques publiques, d’anciens détenus et de familles concernées, des curieux, interrogeront de nouveau la prison. Cofondateur du Groupe Multiprofessionnel des prisons, le médecin Antoine Lazarus préside cette troisième édition et revient à cette occasion sur 50 ans d’engagement pour cette cause.

Il y a 50 ans que les prisons et les enfermements m’occupent et que je continue à chercher à savoir, à comprendre et à faire savoir pour dénoncer, à agir, à pousser aux améliorations des régimes internes et au respect des droits, de la dignité des conditions de vie. Je n’ai cessé d’interroger le pourquoi de cette constance entêtée à vouloir privilégier cette cause-là parmi d’autres engagements possibles, à fréquenter les gens que cela intéresse. Il m’a toujours semblé qu’au-delà de motivations humanistes sociales, éducatives médicales et de la fascination possible pour un monde clôt chargé d’imaginaire transgressif, l’engagement sur la prison est politique, presque une manière de faire de la politique.

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Ce qui l’érige, ceux qui gardent, ceux qui y sont enfermés, leurs trajectoires, avant, pendant, et après la prison sont, « comme dans une boule de cristal » une réduction extraordinairement analogue, de la société toute entière permettant de mieux la saisir et d’agir sur elle. La prison reflète non seulement les rapports de force, les inégalités sociales, leurs déterminants et leurs effets, les valeurs économiques et morales, les incriminations et condamnations s’adaptant aux transformations des mœurs et des sensibilités, du poids des religions, les inégalités flagrantes des types et du poids des sanctions pénales en fonction des classes sociales, des nationalités, et des niveaux d’éducation, des capacités de langage et des capacités à s’y adapter ou à en souffrir jusqu’à l’indifférence, ou à en mourir.

C’est comme on le verrait au dehors dans les mondes de l’école, du travail, des difficultés trans-générationnelles dans les familles ou les quartiers ou les communautés enchâssées dans la pauvreté ou des inégalités de santé, dans les dépendances aux produits addictifs. On y voit, caricaturaux, les effets révélés et faciles à lire en prison des grands facteurs de risques traversant tous les milieux sociaux et dont la prévention appelle les grandes réformes néc


[1] Groupe qu’il est possible de contacter à cette adresse mail : groupemultiprofessionnelprison @gmail.com.

[2] La France a été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne des droits de l’Homme au sujet de conditions de détention.

[3] De plus, environ 30 000 malades ont des soins hospitaliers psychiatriques dans la journée mais habitent en ville.

[4] L’interdiction faite aux parents de fesser les enfants et de mal leur parler est un bon exemple.

[5] En pleine révolte des détenus contre les quartiers de haute sécurité (QHS) et le statut de détenu particulièrement surveillé (DPS), Valéry Giscard d’Estaing est nouvellement élu président de la République. Le 10 août 1974, il se rend dans la prison Saint-Paul de Lyon, et serre la main d’un détenu avec ces mots : « La prison ne doit être que la privation de liberté, la prison, c’est la privation de la liberté d’aller et venir, et rien d’autre ». Geste appelé alors « inouï ». Pour adoucir les vives critiques vraisemblables pour ce geste spectaculaire et notamment dans son camp politique, on avait tout de même choisi la main d’un prévenu donc une personne en présomption d’innocence. François Hollande à son tour serrera des mains de détenus dans la prison de la Seine-Saint-Denis à Villepinte en mars 2017 sans déclaration aussi engagée, il venait conforter le principe des « modules respect ».

[6] Pour 73 000 détenus, et 15 000 condamnés sous bracelets électroniques, il y a « en milieu ouvert » entre 160 000 et 170 000 condamnés à des peines diverses et dont l’administration de la peine relève aussi de l’administration pénitentiaire.

Antoine Lazarus

Médecin, Responsable du Groupe Multiprofessionnel des prisons

Notes

[1] Groupe qu’il est possible de contacter à cette adresse mail : groupemultiprofessionnelprison @gmail.com.

[2] La France a été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne des droits de l’Homme au sujet de conditions de détention.

[3] De plus, environ 30 000 malades ont des soins hospitaliers psychiatriques dans la journée mais habitent en ville.

[4] L’interdiction faite aux parents de fesser les enfants et de mal leur parler est un bon exemple.

[5] En pleine révolte des détenus contre les quartiers de haute sécurité (QHS) et le statut de détenu particulièrement surveillé (DPS), Valéry Giscard d’Estaing est nouvellement élu président de la République. Le 10 août 1974, il se rend dans la prison Saint-Paul de Lyon, et serre la main d’un détenu avec ces mots : « La prison ne doit être que la privation de liberté, la prison, c’est la privation de la liberté d’aller et venir, et rien d’autre ». Geste appelé alors « inouï ». Pour adoucir les vives critiques vraisemblables pour ce geste spectaculaire et notamment dans son camp politique, on avait tout de même choisi la main d’un prévenu donc une personne en présomption d’innocence. François Hollande à son tour serrera des mains de détenus dans la prison de la Seine-Saint-Denis à Villepinte en mars 2017 sans déclaration aussi engagée, il venait conforter le principe des « modules respect ».

[6] Pour 73 000 détenus, et 15 000 condamnés sous bracelets électroniques, il y a « en milieu ouvert » entre 160 000 et 170 000 condamnés à des peines diverses et dont l’administration de la peine relève aussi de l’administration pénitentiaire.