Justice

La très politique sacralisation « républicaine » des terrains de football

Juriste

En dépit des recommandations du rapporteur public, le Conseil d’État vient de valider l’interdiction du port du hijab dans le football féminin. Révélant une certaine conception de la laïcité qui vise à rendre invisible le fait religieux dans l’espace public, le classicisme apparent de la motivation de cet arrêt, aussi bref que discutable, dissimule mal un véritable choix politique.

Le 29 juin dernier, par un arrêt que la mort tragique de Nahel M. a relégué au second plan mais que le New York Times daté du 2 juillet n’hésite pas à présenter comme une autre face d’un même mal français (« A Fatal Shooting and a Hijab Ban : Two Faces of France’s Racial Divisions »), le Conseil d’État a rejeté les recours dont il avait été saisi dans l’affaire des « hijabeuses ». Il a ainsi validé l’interdiction posée par la Fédération française de football (FFF), fédération délégataire de service public, du port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse.

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Le hijab reste donc banni en match. Non seulement lors des compétitions internationales pour les joueuses des équipes de France, ce qui ne faisait juridiquement guère débat, mais aussi lors des compétitions nationales ou locales pour toutes les autres joueuses, ce qui n’est pas tout à fait neutre.

En apparence, la motivation de l’arrêt rendu n’a rien de politique. Il ne s’agirait que de la simple application à une situation particulière d’une jurisprudence administrative constante. Cela ne fait pas de doute pour les joueuses sélectionnées en équipe nationale. Celles-ci peuvent être assimilées, le temps des compétitions auxquelles elles participent en cette qualité, à des agents de la FFF, et méritent classiquement d’être soumises au principe de neutralité du service public.

Cela pourrait sembler ne pas faire plus de doute pour les autres joueuses. Il est en effet admis qu’une personne gérant un service public a la faculté d’utiliser son pouvoir réglementaire pour limiter les droits et libertés des usagers dès lors que cela est nécessaire au bon fonctionnement du service et à condition que cette limitation soit proportionnée à l’objectif poursuivi. Or, estime le Conseil d’État, l’interdiction litigieuse, « limitée aux temps et lieux des matchs de football, apparaît nécessaire pour assurer leur bon déroulement en prévenant notamment tout affrontement ou confrontation san


Mathieu Maisonneuve

Juriste, Professeur de droit public à l'Université d'Aix-Marseille

Mots-clés

Laïcité