À Paul Virilio, missive d’outre-tombe
Cher Paul,
Combien de fois, ces dernières années, ai-je tenté de te téléphoner à La Rochelle sans succès ? Puis, lors d’une soutenance de thèse à l’université Fernand Braudel, je suis allé, comme d’habitude, faire les bouquinistes et là j’ai trouvé certains de mes livres que je t’avais dédicacés, la libraire que je questionnais m’a confié avoir acheté une partie de ta bibliothèque après la mort de ta femme et ton départ pour une maison de retraite dans la banlieue parisienne. Elle n’en savait pas plus. Elle m’a montré des dizaines de livres consacrés à Jean-Paul II, homme que tu admirais énormément, je me souviens que tu te rendais à ses rendez-vous destinés à la jeunesse… Et puis aussi bien sûr des ouvrages de tes amis, dont Jean Duvignaud. J’ai acheté le premier numéro de votre revue Cause Commune en grand format, ce que j’ignorais, pensant qu’elle était parue directement en format poche chez 10/18.

À plusieurs reprises Jean Duvignaud m’a raconté l’élaboration des numéros, la complicité entre vous deux et Georges Perec, le troisième mousquetaire. Ce revuiste militant semblait fier de cette publication, en particulier du numéro sur le « pourrissement des sociétés » (1972), qui contient la célèbre « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » de Georges Perec te mettant en scène en quelque sorte… Dans le numéro suivant consacré aux Nomades et vagabonds tu publiais « Véhiculaire », une remarquable étude sur les moyens de transport, le voyage et la vitesse, c’était en 1975. Elle annonce tes travaux à venir. Tu écrivais que la vitesse supprimait la distance, que le « chevaucheur » et le « navigateur » brouillaient les cartes et déréalisaient les parcours. Les améliorations des transports servaient d’abord les guerriers, le cheval de fer devient un « cheval de guerre », l’avion permet la « guerre éclair »… Tu pressens déjà la fin de la géographie et la suprématie du temps et annonce une « horolâtrie » et pourquoi pas la création d’un « ministère du Temps »…
Peu avant s