International

Guerre en Ukraine : les États-Unis en perte de pouvoir structurel

Économiste

La guerre en Ukraine a canalisé les flux commerciaux dans de nouvelles directions. Les sanctions contre la Russie et le report de son commerce vers la Chine a ainsi eu pour conséquence la croissance de l’internationalisation du Yuan Renminbi chinois. La Russie a ainsi renforcé l’infrastructure chinoise en y recourant plus fortement. Par extension, elle a ainsi soutenu l’internationalisation du Renminbi. Mais cette extension, et son renforcement par le recours de la Russie au système CIPS, pour contourner SWIFT, dont la Russie est exclue, connaît quelques limites.

Avec le récent sommet des BRICS, les questions monétaires sont de nouveau apparues en haut de l’agenda politique international. Le risque de subir une exclusion des circuits de paiement internationaux suscite en effet une vive inquiétude dans de nombreux pays.

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Néanmoins, les sanctions économiques sont une arme à double tranchant. Elles peuvent affaiblir le pays visé mais elles peuvent aussi encourager une réorganisation de l’économie mondiale permettant d’éviter les effets néfastes des sanctions et débouchant sur une modification du jeu des alliances internationales.

Les sanctions économiques contre la Russie offrent la possibilité d’étudier d’éventuels mouvements de plaques tectoniques à l’échelle internationale. Plus concrètement, elles permettent d’examiner les conséquences de la guerre en Ukraine sur les relations entre la Chine et les États-Unis. Pour y voir plus clair, le concept de pouvoir structurel forgée par Susan Strange est instructif. Il se définit comme « le pouvoir de façonner et de déterminer les structures de l’économie politique mondiale dans laquelle d’autres États, leurs institutions politiques, leurs entreprises économiques […] doivent opérer »[1]. Chez Strange, le pouvoir structurel repose sur quatre sources, la sécurité, le savoir, la production et la finance.

Étant donné que la Russie a pu envahir l’Ukraine, aucun État du monde n’exerce un pouvoir structurel permettant d’empêcher la Russie d’agresser son voisin. Toutefois, les pays occidentaux, l’UE et surtout les États-Unis se pensaient en mesure de contraindre les acteurs économiques russes à opérer dans des conditions fortement dégradées – dans l’espoir de rétablir la sécurité internationale. C’est le sens des sanctions via SWIFT. En questionnant les effets de ces sanctions sur l’économie internationale il est possible d’apprécier plus précisément le pouvoir structurel monétaire de Washington, et, par extension, l’état de la rivalité sino-américaine dans le domaine financier.

La


[1] Susan Strange, States And Markets, London, Pinter, 1993, p. 24‑25.

[2] Adrien Faudot, « Les choix de facturation du commerce international : état des lieux, déterminants, inertie de la monnaie »Université Grenoble Alpes, Grenoble, 2017, p. 44.

[3] A. Faudot, Les choix de facturation du commerce international : état des lieux, déterminants, inertie de la monnaie, op. cit.

[4] Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’administration russe a introduit un nouveau langage pour répartir les pays et monnaies en fonction de leur position vis-à-vis de la guerre. Une monnaie « toxique » est celle d’un pays opposé à la guerre, d’un pays « inamical ». Si ces termes apparaissent dans ce texte, c’est simplement pour des raisons pratiques : elles permettent de désigner efficacement les monnaies et infrastructures financières que la Russie souhaite éviter ou, au contraire, utiliser.

[6] Felix Chang, « Clearing the Way to Renminbi Domination: CIPS, Antitrust, and Currency Competition ».

[7] Barry Eichengreen, Sanctions, Swift, and China’s Cross-Border Interbank Payments System, Center for Strategic & International Studies, 2022.

[8] Ibid.

[9] Marieke de Goede, « Finance/security infrastructures », Review of International Political Economy,  28-2, 2021, p. 351‑368, ici p. 359.

[10] Bank of Russia, Обзор российского финансового сектора и финансовых инструментов 2022, Moscow, Bank of Russia, 2023.

[11] Ibid., p. 12.

[12] Adrien Faudot et Jean-François Ponsot, « The Dollar Dominance: Recent Episode of Trade Invoicing and Debt Issuance », Journal of Economic Integration,  31-1, 2016, p. 41‑64.

[13] Pepita Ould Ahmed et Jean-François Ponsot, « Contestations monétaires : une économie politique de la monnaie », Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs,  18, 2015, p. 1‑11.

[14] Michel Aglietta, Pepita Ould Ahmed et Jean-François Ponsot, La Monnaie: Entre dettes et souveraineté, Paris, Odile Jacob, 2016, p. 72 ; Michel Aglietta et André Orléan, La Monnaie souveraine, P

Benjamin Bürbaumer

Économiste, Chercheur

Notes

[1] Susan Strange, States And Markets, London, Pinter, 1993, p. 24‑25.

[2] Adrien Faudot, « Les choix de facturation du commerce international : état des lieux, déterminants, inertie de la monnaie »Université Grenoble Alpes, Grenoble, 2017, p. 44.

[3] A. Faudot, Les choix de facturation du commerce international : état des lieux, déterminants, inertie de la monnaie, op. cit.

[4] Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’administration russe a introduit un nouveau langage pour répartir les pays et monnaies en fonction de leur position vis-à-vis de la guerre. Une monnaie « toxique » est celle d’un pays opposé à la guerre, d’un pays « inamical ». Si ces termes apparaissent dans ce texte, c’est simplement pour des raisons pratiques : elles permettent de désigner efficacement les monnaies et infrastructures financières que la Russie souhaite éviter ou, au contraire, utiliser.

[6] Felix Chang, « Clearing the Way to Renminbi Domination: CIPS, Antitrust, and Currency Competition ».

[7] Barry Eichengreen, Sanctions, Swift, and China’s Cross-Border Interbank Payments System, Center for Strategic & International Studies, 2022.

[8] Ibid.

[9] Marieke de Goede, « Finance/security infrastructures », Review of International Political Economy,  28-2, 2021, p. 351‑368, ici p. 359.

[10] Bank of Russia, Обзор российского финансового сектора и финансовых инструментов 2022, Moscow, Bank of Russia, 2023.

[11] Ibid., p. 12.

[12] Adrien Faudot et Jean-François Ponsot, « The Dollar Dominance: Recent Episode of Trade Invoicing and Debt Issuance », Journal of Economic Integration,  31-1, 2016, p. 41‑64.

[13] Pepita Ould Ahmed et Jean-François Ponsot, « Contestations monétaires : une économie politique de la monnaie », Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs,  18, 2015, p. 1‑11.

[14] Michel Aglietta, Pepita Ould Ahmed et Jean-François Ponsot, La Monnaie: Entre dettes et souveraineté, Paris, Odile Jacob, 2016, p. 72 ; Michel Aglietta et André Orléan, La Monnaie souveraine, P