L’ombre de la République – à propos de la reconnaissance du crime d’État sur Maurice Audin
L’histoire coloniale s’invite dans notre actualité à travers la restitution mémorielle d’un crime d’État sur Maurice Audin. Trois générations ont été nécessaires pour commencer à amoindrir le travail des censures et le silence qu’ils instaurent. L’admission, de ce fait historique au registre des mémoires sur la question coloniale, ne relève pas d’une question de volonté mais la dépasse. Les mécanismes qui ont fait tenir la colonialité comme système politique visaient deux dimensions : l’effacement des crimes et des destructions et sa persistance dans le temps.

La disparition et l’effacement ont été les maîtres d’œuvre de la colonisation française en Algérie et ils concernent aussi bien lesdits colons que lesdits colonisés. Nul statut d’exception sur ce point mais un trait partagé par tous les membres de la colonialité, et, peut-être, d’ailleurs, le seul. En effet, avec et malgré les indépendances et les séparations d’avec la colonie, effacement et disparition continuent à agir sur les récits, les mémoires et le rapport à l’Histoire. Cette affaire se transmettra de génération en génération tant que ne seront pas mis à jour les véritables mécanismes de la colonialité, la manière dont ils opèrent sur les peuples et le politique. La première génération est prise dans l’effacement et à ce titre elle se soumet à l’ordre colonial de faire disparaître les traces. La seconde, elle, hérite d’un blanc qui témoigne de la disparition et l’effacement. En effet, encore trop incluse dans son propre blanc, elle ne peut le traiter et le transmet tel quel à la génération suivante. Il revient donc à la troisième génération de commencer à l’identifier, l’accueillir et surtout à fabriquer de la sépulture pour les disparus, acte essentiel pour les vivants.
Le temps est donc une nécessité pour que l’impensé des exactions coloniales dans leur diversité et leur massivité cesse d’obéir à la machinerie de l’effacement. Grâce au travail du temps et des générations, le politique finit par épuis