Le goût du soupçon – sur Un prince de Pierre Creton
Du propre aveu du cinéaste Pierre Creton, Un prince serait sa première fiction. La figure d’un mystérieux prince indien, Kutta, est certes évoquée dès les premiers instants mais s’avérera rapidement une fausse piste dans un récit normand imprégné par le mode de vie rural de son auteur.

Le souverain finit par arriver, mutique et endormi, dix minutes avant la fin, dans le domaine aussi somptueux que décati de son château Renaissance. De son existence, de ses pensées intimes qu’il partage, il faudra tout croire sur parole, car c’est ce à quoi invite ce septième long métrage, bâti comme un labyrinthe où cohabitent une foule de référence esthétiques au sein desquelles heroic fantasy et vidéo porno amateur BDSM. Fiction encore que son sexe dénudé qui se partage en sept verges dansantes sous l’œil médusé de son camarade.
Il faut accepter pour entrer dans Un prince, ce plaisir de la fabulation, de faire du faux avec du vrai, de laisser vagabonder des voix off qui nous livrent leurs contes merveilleux ou horrifiques. Ainsi, le personnage au centre de ce récit forestier est-il bien roturier, simple apprenti jardinier, Pierre-Joseph, chassé de chez ses parents violents, alcooliques et au bord de l’inceste. Ce Petit Poucet infiltré chez les chasseurs et les jardiniers, devient le bon élève avide d’une éducation professionnelle autant que sentimentale. Dans ces récits des mille et une nuits normandes, tout est histoire de sève et de jaillissement, qu’il s’agisse de botanique ou de désir sexuel.
Écrits par différents scénaristes (Mathilde Girard, Vincent Barré, et le cinéaste lui-même), plusieurs destins de personnages se croisent et se séparent dans des atours de saga grandiloquentes que contredisent la simplicité des plans autant que leur succession dans laquelle le monteur Félix Rehm laisser s’immiscer entre chaque coupe un léger jeu. Au spectateur le loisir de combler cette légère béance comme bon lui semble. La fiction s’infiltre dans ces voix intimes qui nous mu