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Gouverner en état de siège : le Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza

Politiste

Si les Palestiniens ont manifesté un même sentiment de revanche à l’annonce de l’attaque lancée par le Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, l’Autorité palestinienne de Cisjordanie occupée s’est montrée moins véhémente. Le Fatah, parti de Mahmoud Abbas, travaille main dans la main avec Israël et est engagé dans une lutte politique contre le mouvement islamiste. Élu dans la bande de Gaza en 2006, le Hamas n’a par ailleurs convaincu personne de l’efficacité et de la probité de sa gestion du territoire.

Certains cadres de l’Autorité palestinienne appellent aujourd’hui à « l’élimination totale du Hamas », affirmait fin octobre, en pleine guerre dans la bande de Gaza, Moussa Abou Marzouk, cadre politique du Hamas exilé au Qatar et interrogé sur la chaîne Al Jazeera. Ces déclarations mais aussi l’effacement relatif du président palestinien Mahmoud Abbas depuis le 7 octobre ou encore la répression par l’Autorité Palestinienne (AP) des manifestations en soutien avec la bande de Gaza à Ramallah, sont symptomatiques de la fragmentation politique et territoriale du camp palestinien. Cette fragmentation affecte le mouvement national palestinien dans son ensemble.

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Les processus de réconciliation auxquels se sont livrés le Fatah, parti de Mahmoud Abbas, et le parti islamiste Hamas ces dernières années s’apparentent en réalité à un jeu à somme nulle, qui a eu pour effet d’institutionnaliser la division et profité par-là même à Israël. L’Autorité palestinienne, qui se confond avec le Fatah, refuse par exemple l’intégration du Hamas à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et exige du mouvement islamiste de renoncer à son pouvoir politique dans la bande de Gaza. Un objectif pour le moins irréaliste étant donnés la stature qu’a acquise le parti islamiste depuis sa création en 1987, et son ancrage dans l’enclave palestinienne. Depuis 2006, le Hamas y a élaboré un système de gouvernance de facto, parallèle et concurrent à celui de l’Autorité palestinienne.

Un gouvernement parallèle, une double autorité

Pour la première fois depuis les élections de 1996, et suite à la disparition de Yasser Arafat, des élections législatives et présidentielles furent organisées dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO) au début de l’année 2006. La particularité de ce scrutin tenait d’abord à la présentation d’une liste par le Hamas, « Changement et réforme », alors que le mouvement avait jusque-là systématiquement boycotté les cycles électoraux. L’entrée dans le jeu politi


[1] Roger Heacock., « Les élections palestiniennes : trente ans de surprises », Confluences Méditerranée, n.55, 2005/4, L’Harmattan, pp.81-103, p.94

[2] Khaled Hroub, « Hamas after Shaykh Yasin and Rantisi », Journal of Palestine Studies, vol.33, n.4, été 2004, pp.21-38

[3] Lætitia Bucaille, « Palestine: de l’État introuvable à la nation en déroute. À quoi servent les dirigeants palestiniens ? », Les études du CERI, n.224, octobre 2016, pp.11-15

[4] Taher Labadi, « L’expérience économique du gouvernement Hamas sous blocus dans la bande de Gaza », Critique internationale, n.80, 2018/3, pp.23-43, p.39

[5] Jean-François Legrain, « La dynamique de la guerre civile », Critique internationale, n.36, Presses de Sciences Po, 2007/3, pp.147-165

[6] Sayigh Yezid, « Policing the people, building the state: authoritarian transformation in the West Bank and Gaza », Carnegie Middle East Center, 02/2011

[7] Sara Roy, The Gaza Strip: the political economy of De-development, Institute for Palestine Studies, 2016

[8] Nicolas Pelham, « The rise and fall of Gaza’s tunnel economy (2007-2014) » in Stéphanie Latte-Abdallah et Cédric Parizot , À l’ombre du mur. Israéliens et Palestiniens entre séparation et occupation, Actes Sud/MMSH, 2011

[9] Mohannad Sabry, Sinai. Egypt’s linchpin, Gaza’s lifeline, Israel’s nightmare, AUC Press, 2015, p.97

[10] Bontemps Véronique et Signoles Aude, Vivre sous occupation : quotidiens palestiniens, Ginkgo, 2012

[11] Entretien avec Amer Ba‘lousha, traduit de l’arabe, Le Caire, 15/10/2019

[12] En 2018 par exemple, 35 000 Palestiniens, des jeunes pour la plupart, auraient quitté la bande de Gaza via l’Égypte pour se rendre entre autres en Europe ou en Turquie.

[13] Pensons à ce titre à la « Grande marche du retour », un mouvement à l’origine civil et spontané des Palestiniens de Gaza lancé le 30 mars 2018, consistant en des mobilisations, chaque vendredi, à la frontière avec Israël. Le Hamas, redoutant une escalade avec les forces israéliennes, s’est approprié

Sarah Daoud

Politiste, Docteure en science politique affiliée au CERI de Sciences Po et au CEDEJ du Caire

Notes

[1] Roger Heacock., « Les élections palestiniennes : trente ans de surprises », Confluences Méditerranée, n.55, 2005/4, L’Harmattan, pp.81-103, p.94

[2] Khaled Hroub, « Hamas after Shaykh Yasin and Rantisi », Journal of Palestine Studies, vol.33, n.4, été 2004, pp.21-38

[3] Lætitia Bucaille, « Palestine: de l’État introuvable à la nation en déroute. À quoi servent les dirigeants palestiniens ? », Les études du CERI, n.224, octobre 2016, pp.11-15

[4] Taher Labadi, « L’expérience économique du gouvernement Hamas sous blocus dans la bande de Gaza », Critique internationale, n.80, 2018/3, pp.23-43, p.39

[5] Jean-François Legrain, « La dynamique de la guerre civile », Critique internationale, n.36, Presses de Sciences Po, 2007/3, pp.147-165

[6] Sayigh Yezid, « Policing the people, building the state: authoritarian transformation in the West Bank and Gaza », Carnegie Middle East Center, 02/2011

[7] Sara Roy, The Gaza Strip: the political economy of De-development, Institute for Palestine Studies, 2016

[8] Nicolas Pelham, « The rise and fall of Gaza’s tunnel economy (2007-2014) » in Stéphanie Latte-Abdallah et Cédric Parizot , À l’ombre du mur. Israéliens et Palestiniens entre séparation et occupation, Actes Sud/MMSH, 2011

[9] Mohannad Sabry, Sinai. Egypt’s linchpin, Gaza’s lifeline, Israel’s nightmare, AUC Press, 2015, p.97

[10] Bontemps Véronique et Signoles Aude, Vivre sous occupation : quotidiens palestiniens, Ginkgo, 2012

[11] Entretien avec Amer Ba‘lousha, traduit de l’arabe, Le Caire, 15/10/2019

[12] En 2018 par exemple, 35 000 Palestiniens, des jeunes pour la plupart, auraient quitté la bande de Gaza via l’Égypte pour se rendre entre autres en Europe ou en Turquie.

[13] Pensons à ce titre à la « Grande marche du retour », un mouvement à l’origine civil et spontané des Palestiniens de Gaza lancé le 30 mars 2018, consistant en des mobilisations, chaque vendredi, à la frontière avec Israël. Le Hamas, redoutant une escalade avec les forces israéliennes, s’est approprié