Metalife
Je sais ce que vous allez me dire. La plupart des gens sont friands de films de gangsters, d’histoires de mafia, avec des pistolets, de la violence, des personnages qui se conduisent comme des raclures, mûs par l’appât du gain, des butins à voler, des trafics juteux, sur fond de guerre de gangs et d’enquêtes policières. Je reconnais qu’au cinéma, ça peut être super. Dans la réalité, c’est un peu différent. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi, et à quel point c’est un challenge de tirer son épingle du jeu quand on part avec un tel karma.
Je m’appelle Alyosis. Ma mère, Albina, est la numéro deux du gang de bikers le plus connu du Canada. Ma tante, Marthe, est la numéro un. Mon parrain, Vitaly, est leur associé, c’est le boss de la mafia albanaise, qui tient le haut du pavé depuis que les Italiens se sont fait dégommer grâce à la collaboration des flics du cru avec le FBI américain. Je vis mal cette filiation. J’en ai honte depuis que je suis toute petite. J’ai eu un trauma infantile. Quand j’étais en primaire, on habitait dans le quartier huppé de Montréal et toutes mes copines faisaient partie du gratin. J’étais invitée à tous les anniversaires, je partais en vacances avec les plus proches. C’est le moment où le FBI s’est mêlé des affaires des Canadiens. Les bikers, donc notre gang, celui de ma mère et ma tante, étaient encore associés avec les Italiens. Les deux clans mafieux, les Italiens et nous, ont fait la une des magazines et des journaux télévisés pendant des semaines, et moi je suis devenue une paria, je n’ai plus jamais eu d’amies après.
Je vous raconte ça pour que vous compreniez bien l’histoire qui va suivre : pourquoi une jambe décapitée, celle de Vitaly, dévale les coteaux de Genève, en rebondissant sur les toits des voitures, et que cela met tout le monde aux cent coups. Comme j’étais vraiment mal, je ne parlais plus, j’étais en train de devenir autiste, ma tante, pas ma mère – ma mère est une vraie connasse, je le précise au passage, c’est à peu