Littérature

Du prophète à l’expert : les écrivains et la politique

Sociologue

La nomination récente – et controversée – de l’écrivain Philippe Besson au poste de Consul général de France à Los Angeles offre l’occasion d’interroger les liens entre carrières littéraire et politique, en les éclairant à la lumière d’une sociologie historique qui remonte au début du XIXe siècle et se préoccupe tout autant de la situation contemporaine.

L’émoi qu’a suscité la nomination de Philippe Besson comme consul à Los Angeles nous rappelle que les métiers d’écrivain et d’homme politique se sont différenciés en France. Pour justifier son choix controversé, le président de la République l’a inscrit dans une tradition française d’écrivains-diplomates. Il faut cependant rappeler que Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Morand et Saint-John Perse étaient des diplomates de carrière.

Publicité

Ce ne sont pas non plus ses titres d’écrivain – qu’il n’était pas encore – mais les services rendus à la France qui valurent à Romain Gary d’intégrer le quai d’Orsay en 1945. Il occupa divers postes, à Sofia, Berne, puis New York, Londres et La Paz, avant d’être nommé consul à Los Angeles. Diplômé de Science Po en même temps que de l’École de médecine, Jean-Christophe Ruffin doit sa nomination d’ambassadeur au Sénégal puis en Gambie à une double expérience : dans l’action humanitaire et dans la diplomatie, en tant qu’attaché culturel et de coopération auprès l’ambassade de France au Brésil, puis conseiller spécialisé dans la réflexion stratégique sur les relations Nord-Sud au cabinet du ministre de la Défense François Léotard.

Relativement peu nombreux au cours du XXe siècle, ces écrivains-diplomates attestent si besoin était que seule une minorité d’auteurs vivent de leur production proprement littéraire : la plupart des autres exerce un second métier. Or, contrairement au début du XIXe siècle – quand un Benjamin Constant, chef de l’opposition libérale sous le Consulat, conseiller d’État sous l’Empire, puis député sous la Restauration, produisait parallèlement une œuvre de philosophie politique et composait en exil un premier roman, Adolphe –, la carrière politique est rarement embrassée par les hommes et femmes de lettres. Maurice Barrès siégeant à la Chambre bleu horizon, Louis Aragon au comité central du Parti communiste, André Malraux ministre de la Culture, sont des cas assez rares pour être relevés. Aragon se plaît du re


Gisèle Sapiro

Sociologue, Directrice de recherche au CNRS et directrice d'études à l'EHESS