International

L’extrême droite de Milei en Argentine : entre opportunisme et innovation

Sociologue

Javier Milei est un leader d’extrême droite aux traits populistes et libertaires. Son élection à la présidence révèle un paradoxe qui reflète la crise actuelle de l’Argentine : il sera le président qui aura le programme de réformes le plus ambitieux du cycle démocratique actuel, tout en disposant des ressources les plus faibles pour le mettre en œuvre.

L’extrême droite se développe aujourd’hui en Amérique latine comme elle s’est développée aux États-Unis et en Europe. L’Argentine semblait en marge de ce processus, la polarisation politique entre une coalition de centre-gauche et une coalition de centre-droit ayant organisé à la fois les visions du monde et les sentiments de la plupart des électeurs au cours de la dernière décennie.

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Ces coalitions, à l’échelle nationale, dotées d’implantation sociale et d’une différenciation programmatique assez marquée, ce qui représente une nouvelle relative dans ce pays, étaient également ancrées dans le clivage traditionnel péronisme-antipéronisme, fondé sur des facteurs essentiellement socioculturels (Ostiguy, 2009). Or, une crise économique prolongée, l’incapacité des gouvernements de ces deux coalitions à résoudre cette crise, ainsi que l’intense conflit interne entre leurs factions, ont créé un terrain propice à l’irruption rapide et fulgurante d’un leader d’extrême droite qui a réussi à se faire élire président suite à sa victoire aisée lors du second tour des élections de 2023.

Il s’agit de l’économiste et influenceur Javier Milei, qui après sa première participation électorale aux élections législatives de 2021, où il a recueilli 17 % des voix dans la ville de Buenos Aires, a obtenu le plus grand score au second tour de l’histoire récente de l’Argentine. Cette victoire est d’autant plus surprenante que Milei disposait d’un faible véhicule électoral, La Libertad Avanza (LLA), une coalition de petits groupes ultra-conservateurs et libertariens. Certes, lors du second tour, Milei a bénéficié du soutien actif de Mauricio Macri, ancien président et dirigeant fondateur du parti de droite Proposition républicaine (PRO). La décision de Macri de soutenir Milei s’est avérée un succès, puisque la quasi-totalité des voix qui étaient allées à la candidate présidentielle de PRO, Patricia Bullrich, ont été transférées au candidat de la LLA au second tour. La barrière sanitair


Gabriel Vommaro

Sociologue, Professeur de sociologie politique à l’Université nationale de San Martin (EIDAES) et chercheur au Conicet