Politique

Les Gilets Jaunes : crise politique ou crise de régime ?

Juriste

Quand une population se transforme en peuple, quand des individus se transforment en citoyens, la question de la légitimité des institutions qui les maintenaient hors de la citoyenneté est posée. On glisse alors d’une crise politique à une crise de régime. En sommes-nous là ?

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Qui a dit « les inégalités sont trop fortes, nous risquons l’insurrection » ? Alain Minc, c’était le 8 juillet 2018 dans le quotidien Libération. Qui a écrit « je ne peux que constater que l’angoisse du déclassement augmente. Sont déjà confrontés à cette réalité un certain nombre de nos concitoyens, ceux qu’on ne connaît pas, que parfois on ne soupçonne pas, et qu’on peine à dénombrer, formant la “France des invisibles »” J’estime à 15 millions le nombre de personnes pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près. Je suis inquiet de voir que des personnes surendettées peuvent se retrouver en plan de redressement personnel (PRP) pour la deuxième ou troisième fois parce que leurs dépenses dépassent structurellement le montant de leurs ressources » ? Jean-Paul Delevoye, le  16 décembre 2010 dans Le Monde. Qui a déclaré « ceux qui sont au pouvoir cherchent à saper les institutions et les normes qui donnent à la démocratie son sens » ? Barak Obama dans Le Monde du 19 juillet 2018.

Ces propos ne sont pas tenus par des intellectuels « hors-sol », par des militants d’extrême-gauche, par des enragés mais par des responsables bien installés dans le système, par des conseillers-acteurs du système, par des hommes d’État. Ces propos font écho à ceux de Tocqueville le 27 janvier 1848 : « Si je jette, messieurs, un regard attentif sur la classe qui gouverne, sur la classe qui a des droits politiques, et ensuite sur celle qui est gouvernée, ce qui se passe dans l’une et dans l’autre m’effraye et m’inquiète. Dans la classe qui gouverne, ce que j’y vois, messieurs, je puis l’exprimer par un mot : les mœurs publiques s’y altèrent, elles y sont déjà profondément altérées ; elles s’y altèrent de plus en plus tous les jours ; de plus en plus, aux opinions, aux sentiments, aux idées communes, succèdent des intérêts particuliers, des visées particulières, des points de vue empruntés à la vie et à l’intérêt privés. Et regardez ce qui se passe au sein de ces c


Dominique Rousseau

Juriste, Professeur émérite de droit public à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne,Directeur de l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne

Mots-clés

Gilets jaunes