Culture

« Secteur culturel » vs politique publique de la culture

Économiste

Le « secteur culturel » pèserait 45,3 milliards d’euros, soit 2,0 % du PIB claironnent certains. Mais qu’est-ce que le « secteur culturel » ? Et comment sont calculés ces 2% ? Et surtout quelles sont les implications de ce type de calcul pour la politique culturelle ?

Le ministère de la culture a rappelé récemment que le « secteur culturel » pèse 2,0 % de l’ensemble de l’économie française, soit 45,3 milliards d’euros. Certes, en 2003, le « poids économique de la culture » était plus important (2,5 % du PIB), néanmoins le « secteur culturel » continue de bien se porter : il est moteur de nos créativités, de notre attractivité, de notre puissance nationale, « soft power » comme atout, évidemment. De plus, il se rend utile en étant source d’attractivité pour les territoires avec des effets induits qui enchantent généralement les élus locaux.

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L’artiste saltimbanque, joyeux et insouciant, change de posture ; avec le « secteur culturel », il devient entrepreneur et demande à être présent dans les tours de table où se négocient les dynamiques de développement économique, plus ou moins soutenables.

Ne gâchons pas ce plaisir de voir la culture prise au sérieux mais gardons, malgré tout, la tête froide tant l’éclat des chiffres a, depuis quelques années, ébloui les meilleurs esprits. Le 2 % du PIB est un miroir aux alouettes qui conduit tout droit au crépuscule de la responsabilité publique en matière culturelle.

Le chiffre comme illusion de la valeur culturelle.

Il est d’abord flagrant que les mérites du 2% sont illusoires, à commencer par cette évidence : si l’on identifie la culture à ces 2%, cela signifie que 98% de notre économie n’ont aucun rapport avec les questions culturelles. Le « secteur culturel » avoue, ainsi, lui-même, qu’il ne pèse pas lourd ; une sorte d’auto-mutilation qui se satisfait de faire miroiter des tableaux de chiffres simplistes de productions à vendre alors que l’artistique et le culturel trouvent leur sens ailleurs, dans des imaginaires partout présents dans notre vie commune et, heureusement, souvent impénétrables à la raison marchande.

Ensuite, l’illusion est dans la valeur objective de cette statistique du 2%.  Avons-nous, avec ces chiffres, une connaissance exacte de la réalité économique du sect


[1] Voir les modalités de calcul

[2] Prix Nobel d’économie ; voir  notamment : L’idée de justice, 2010.

[3] La loi Notre, loi n° 2015-991 du 7 août 2015, la Loi LCAP, loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, la loi CNM, loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019, la loi sur les Bibliothèques, loi n° 2021-1717 du 21 décembre 2021.

[4] Pour mémoire, ce changement n’est pas un caprice de juristes ou de sociologues. C’est le fruit d’un long et pénible combat politique où se sont illustrés Senghor et Césaire, Fanon et Glissant et bien d’autres encore à l’ONU pour rappeler que la culture ne pouvait être préemptée par quelques puissances dominantes. Chacun à son endroit a fait valoir ses arguments dans les multiples instance de l’ONU pour parvenir enfin en 2001 – avec notamment l’agrément apparent de l’État français – à l’affirmation que la culture était faite des apports de tous les êtres humains qui veulent contribuer à notre humanité commune.

Jean-Michel Lucas

Économiste, Président du Laboratoire de transition vers les droits culturels

Notes

[1] Voir les modalités de calcul

[2] Prix Nobel d’économie ; voir  notamment : L’idée de justice, 2010.

[3] La loi Notre, loi n° 2015-991 du 7 août 2015, la Loi LCAP, loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, la loi CNM, loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019, la loi sur les Bibliothèques, loi n° 2021-1717 du 21 décembre 2021.

[4] Pour mémoire, ce changement n’est pas un caprice de juristes ou de sociologues. C’est le fruit d’un long et pénible combat politique où se sont illustrés Senghor et Césaire, Fanon et Glissant et bien d’autres encore à l’ONU pour rappeler que la culture ne pouvait être préemptée par quelques puissances dominantes. Chacun à son endroit a fait valoir ses arguments dans les multiples instance de l’ONU pour parvenir enfin en 2001 – avec notamment l’agrément apparent de l’État français – à l’affirmation que la culture était faite des apports de tous les êtres humains qui veulent contribuer à notre humanité commune.