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Russie : les trois fronts intérieurs de la guerre en Ukraine

Politiste

De vendredi à dimanche, les électeurs de la Fédération de Russie se rendront aux urnes pour élire leur président. Vladimir Poutine, candidat pour un cinquième mandat, a fait éliminer ou mettre en prison ses rares opposants. Qu’ils soient « démocrates » ou « ultra-nationalistes », ceux-ci sont présentés invariablement comme des menaces dont le pouvoir doit protéger le pays.

La mort en détention[1] d’Alexeï Navalny affecte profondément celles et ceux qui espéraient que le jeune âge de l’opposant permettrait un jour d’assister à son retour en politique, si jamais Vladimir Poutine venait à disparaître par exemple. La mort de l’opposant choque également ceux qui, dans le monde occidental, voyaient en lui la « bête noire » du président et, par extension, le principal danger pour le pouvoir en place.

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Il serait cependant erroné de réduire le jeu politique russe à un affrontement entre dictature en place et opposition éclairée. Les partisans de Navalny ne constituent pas la seule menace que le pouvoir agite pour justifier la répression politique. Loin de ce camp, les ultranationalistes jugés extrémistes et les leaders régionaux potentiellement frondeurs constituent aux yeux du Kremlin des « bêtes noires » tout aussi nuisibles.

La haine des démocrates, suspectés d’être « vendus à l’Occident », se cristallise dans les années 2010. Jusque-là, la figure de l’ennemi revêtait les traits d’un jihadiste nord-caucasien. Ce n’est qu’après les manifestations contre la fraude électorale de 2011-2012 que la menace occidentale, appuyée sur une « cinquième colonne » russe, monte en puissance dans les médias. Suspecté dès le début des années 2010 d’être un « agent du département d’État[2] », Alexeï Navalny occupe rapidement une place centrale dans ce discours conspirationniste.

L’élimination de cette menace passe également par la répression de la société civile telle qu’elle s’est constituée à partir de la fin des années 1980. Quelques jours à peine après le décès de Navalny, la condamnation d’Oleg Orlov, coprésident de l’ONG Memorial, à une peine de prison pour avoir soi-disant discrédité les forces armées russes, n’a rien d’une coïncidence : elle illustre le fait que la répression de ce camp politique, en dépit de ses divisions internes, frappe aussi bien les figures politiques que les militants associatifs, tous associés en tant qu’« agents étran


[1] Qu’il s’agisse d’un assassinat délibéré ou d’un décès provoqué par son empoisonnement de 2020, et les privations multiples auxquelles il a été soumis lors de sa détention.

[2] Voir la biographie officielle de Navalny : Voronkov, Konstantin, Aleksei Navalnyi. Groza joulikov i vorov (Alexeï Navalny : la terreur des voyous et des voleurs), Moscou, Eksmo, 2012.

[3] Vladimir Poutine reprend cette antienne anti-élitaire dans son récent discours à la nation prononcé le 29 février 2024.

Gilles Favarel-Garrigues

Politiste, Chercheur au CNRS (Sciences Po-CERI)

Notes

[1] Qu’il s’agisse d’un assassinat délibéré ou d’un décès provoqué par son empoisonnement de 2020, et les privations multiples auxquelles il a été soumis lors de sa détention.

[2] Voir la biographie officielle de Navalny : Voronkov, Konstantin, Aleksei Navalnyi. Groza joulikov i vorov (Alexeï Navalny : la terreur des voyous et des voleurs), Moscou, Eksmo, 2012.

[3] Vladimir Poutine reprend cette antienne anti-élitaire dans son récent discours à la nation prononcé le 29 février 2024.