De la culture du viol
Depuis quelques semaines, on entend et lit beaucoup que l’heure de #Metoo aurait enfin sonné en France. Le récapitulatif des précédents épisodes invite à considérer cette affirmation avec quelque prudence, ou plutôt à noter les spécificités de la version française de cette production mondiale dont on ne sait plus trop qui a créé la version originale.

Aux USA, le pilote a été lancé[1] en octobre 2017 avec l’hashtag #MeToo, quelques jours après le lancement, ici, de #balancetonporc, l’un et l’autre dans le sillage de l’affaire Weinstein (du nom du célèbre producteur d’Hollywood multi-accusé de viols et d’agressions sexuelles par des dizaines d’actrices, assistantes, journalistes).
Si l’intrigue est en partie la même et leur première date de sortie liée, les versions de #Metoo des deux pays diffèrent pourtant sur des points essentiels. Aux USA le mouvement a d’abord mis au cœur de son intrigue le milieu du cinéma, tandis qu’en France l’hashtag initial invitait à des développements tous milieux professionnels confondus. Surtout, alors qu’outre Atlantique la série #Metoo semble avoir emporté d’emblée l’adhésion médiatique, en France c’est plutôt sa critique qui a occupé le devant de la scène.
Cette contre-révolution[2] médiatique a débuté dès janvier 2018, avec la tribune du Monde signée par plus de cent femmes dont les noms évoquaient pourtant une féminité puissante et libre, parmi lesquelles Catherine Deneuve et Catherine Millet. Célébrant la « liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle », le texte explicitait la ligne de partage qui a depuis structuré les débats hexagonaux sur les violences sexistes et sexuelles : « le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste. »
Trois ans plus tard, début novembre 2019, paraissait une longue enquête du journal Mediapart, titrée « #Metoo dans le cinéma : l’actrice Adèle Haenel brise un tabou ». Détaillant les accusations d’attouchemen