Art

Comment Pierre Soulages est devenu un peintre contemporain

Historienne de l'art

Pierre Soulages fêtera dans quelques jours son 99e anniversaire. L’occasion de se demander pourquoi et comment il est devenu un peintre « contemporain », parvenant à s’arracher à l’abstraction lyrique des années 50 dans laquelle son travail a vu le jour.

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Le 24 décembre, Pierre Soulages fêtera ses 99 ans. Le plus célèbre peintre abstrait français (connu notamment pour ses monochromes noirs) a connu une admirable carrière. En témoigne le musée qui porte son nom, qu’il a inauguré en 2014 à Rodez, sa ville natale. Lors de cet événement, la presse nationale et internationale célébrait l’artiste toujours en activité, la star à la renommée nationale et internationale… mais rarement le peintre lié au développement de la peinture abstraite des années 1940-1950. Dans ce paysage médiatique, l’intérêt que lui portaient quelques magazines « tendance », tournés aussi bien vers la mode que l’art contemporain – à l’instar de Citizen K, Vanity Fair ou Interview – tendait à démontrer que Pierre Soulages n’est pas un artiste du passé, mais un artiste pleinement contemporain. Qu’il soit un artiste vivant extrêmement important, il n’y a pas lieu de le contester, mais comment comprendre ce gommage systématique des sources historiques de son travail ?

Pierre Soulages, un cas historiographique à part

Pierre Soulages a commencé sa carrière dans les années 1940 en France, aux côtés d’artistes comme Hans Hartung, Jean Degottex, Georges Mathieu, Zao Wou-Ki, etc. Un événement fondateur de sa pratique abstraite est répété à l’envi dans la majorité de la littérature autour de son œuvre : la présentation, en 1947, de ses premières œuvres non-figuratives au Salon des Surindépendants – auparavant, il peignait des arbres. La carrière artistique de Soulages trouve donc ses racines dans la France d’après-guerre, et dans le milieu très spécifique de l’abstraction non-géométrique, dite lyrique.

Aussi, toutes les expositions consacrées depuis lors à cette abstraction-là – par exemple L’Envolée lyrique en 2006 à Paris ou Les Sujets de l’abstraction en 2011 à Montpellier – intègrent l’œuvre de Soulages aux côtés des autres artistes de l’époque associés à ce mouvement abstrait des années 1940-1950. De la même manière, dans les ouvrages d’histoire


[1] Pierre Cabanne, L’art du vingtième siècle, Somogy, Paris, 1982, p. 184.

[2] Éric de Chassey, « Abstraction lyrique », dans Philippe Dagen et Françoise Hamon (dir.), Époque contemporain XIXe-XXe siècles [1995], Paris, 1998, p. 477.

[3] Annie Claustres, « L’abstraction lyrique », dans Serge Lemoine (dir.), L’art moderne et contemporain, Larousse, Paris, 2006, p. 153.

[4] Pierre Soulages, entretien, « Procès à Soulages », Clarté, n° 43, 1962, cité par James Johnson Sweeney, dans Soulages: Paintings Since 1963, cat. exp., M. Knoedler & Co., Inc., New York ; Museum of Art, Carnegie Institute, Pittsburgh ;  Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, 1968,  p. 7. (Notre traduction)

[5] Pierre Soulages cité par Bernard Ceysson, dans « Entretien avec Pierre Soulages », Pierre Soulages, cat. exp., Musée d’art et d’industrie, Saint-Étienne, 1976, p. 22.

[6] Pierre Soulages, Entretien avec Bernard Ceysson, dans Bernard Ceysson, Soulages, Flammarion, Paris, 1979, p. 110.

[7] Pierre Soulages, « La passion cinquante », Le Nouvel observateur, 24-30 juin 1988, repris dans Pierre Soulages, Écrits et propos, éd. par Jean-Michel Le Lannou, Hermann, Paris, 2009, p. 230.

[8] Pierre Soulages, « Le cadre et le socle dans l’art du XXe siècle », Entretien avec Tatiana Autajon, Université de Bourgogne, Dijon, Musée national d’art moderne, Paris, 1987, repris dans Pierre Soulages, Écrits et propos, op. cit., p. 105-106.

[9] Dossier Pierre Soulages, Opus international, n° 57, octobre 1975, cité dans Michel Ragon, Les Ateliers de Soulages [1990], Paris, 2004, p. 74.

[10] Pierre Soulages, « Le cadre et le socle dans l’art du XXe siècle », Entretien avec Tatiana Autajon, Université de Bourgogne, Dijon, Musée national d’art moderne, Paris, 1987, repris dans Pierre Soulages, Écrits et propos, Hermann, Paris, 2009, p. 106.

Hélène Trespeuch

Historienne de l'art, Maître de conférences à l’Université Paul-Valéry – Montpellier 3

Notes

[1] Pierre Cabanne, L’art du vingtième siècle, Somogy, Paris, 1982, p. 184.

[2] Éric de Chassey, « Abstraction lyrique », dans Philippe Dagen et Françoise Hamon (dir.), Époque contemporain XIXe-XXe siècles [1995], Paris, 1998, p. 477.

[3] Annie Claustres, « L’abstraction lyrique », dans Serge Lemoine (dir.), L’art moderne et contemporain, Larousse, Paris, 2006, p. 153.

[4] Pierre Soulages, entretien, « Procès à Soulages », Clarté, n° 43, 1962, cité par James Johnson Sweeney, dans Soulages: Paintings Since 1963, cat. exp., M. Knoedler & Co., Inc., New York ; Museum of Art, Carnegie Institute, Pittsburgh ;  Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, 1968,  p. 7. (Notre traduction)

[5] Pierre Soulages cité par Bernard Ceysson, dans « Entretien avec Pierre Soulages », Pierre Soulages, cat. exp., Musée d’art et d’industrie, Saint-Étienne, 1976, p. 22.

[6] Pierre Soulages, Entretien avec Bernard Ceysson, dans Bernard Ceysson, Soulages, Flammarion, Paris, 1979, p. 110.

[7] Pierre Soulages, « La passion cinquante », Le Nouvel observateur, 24-30 juin 1988, repris dans Pierre Soulages, Écrits et propos, éd. par Jean-Michel Le Lannou, Hermann, Paris, 2009, p. 230.

[8] Pierre Soulages, « Le cadre et le socle dans l’art du XXe siècle », Entretien avec Tatiana Autajon, Université de Bourgogne, Dijon, Musée national d’art moderne, Paris, 1987, repris dans Pierre Soulages, Écrits et propos, op. cit., p. 105-106.

[9] Dossier Pierre Soulages, Opus international, n° 57, octobre 1975, cité dans Michel Ragon, Les Ateliers de Soulages [1990], Paris, 2004, p. 74.

[10] Pierre Soulages, « Le cadre et le socle dans l’art du XXe siècle », Entretien avec Tatiana Autajon, Université de Bourgogne, Dijon, Musée national d’art moderne, Paris, 1987, repris dans Pierre Soulages, Écrits et propos, Hermann, Paris, 2009, p. 106.