Narcoviolence, politique et société en Équateur
Petit pays pétrolier de 17 millions d’habitants doté d’un patrimoine écologique et d’une diversité ethnolinguistique unique au monde, l’Équateur a longtemps été considéré comme une « île de paix » en Amérique latine, voire une véritable « Suisse des Andes ».

La vague de violence qui déferle sur cette nation andine depuis 2018 – et qui a connu un regain explosif et très médiatisé début janvier 2024 – tétanise la scène politique interne et suscite débats et interrogations au niveau international.
Pourtant, les racines de cette violence sont apparues il y a une vingtaine d’années. Selon le site InSight Crime, le cartel mexicain de Sinaloa s’est intéressé à l’Équateur dès 2003 et y est implanté au moins depuis 2009[1]. Pour certains analystes, dont l’ex-président Rafael Correa (au pouvoir entre 2007 et 2017), c’est l’évolution des routes de la drogue vers l’Amérique du Nord qui aurait déclenché la ruée des cartels sur l’Équateur. D’autres, comme le journaliste italien Roberto Saviano, célèbre auteur de Gomorra, y voient plutôt la conséquence d’une rupture des arrangements des trafiquants mexicains et colombiens avec l’establishment politique et militaire du Venezuela. Ce qui est certain, c’est que la localisation stratégique du littoral équatorien, l’intensité du commerce maritime lié à une économie dans laquelle prédomine l’exportation de matières premières, la dollarisation du pays (en 2000) et la relative abondance pétrolière, constituent d’incontestables « avantages comparatifs » aux yeux des cartels.
Rétrospectivement, on peut estimer que la montée en puissance des organisations criminelles axées sur la chaîne de valeur internationale de la cocaïne était sans doute inévitable en Équateur depuis une quinzaine d’années. Cela dit, l’analyse de la chronologie et de la phénoménologie de la violence liée au trafic ne doit pas nous empêcher d’évaluer la part de responsabilité respective des divers acteurs politiques, ne serait-ce que pour nous faire une idée sin