La fin du relativisme (2/2)
L’étude de la variabilité des nomenclatures pour nommer les couleurs entre les différentes langues et cultures du monde a été le sujet par excellence du relativisme anthropologique, compris comme une relation entre une nature universelle (la couleur dans ce cas) et des cultures particulières (la diversité des nomenclatures dans lesquelles le champ chromatique est divisé et nommé dans chaque langue). Selon ce relativisme, nous voyons et percevons les couleurs parce que la nature est colorée, parce que notre système perceptif nous permet de réparer les différences chromatiques et parce que les langues que nous parlons disposent de termes pour les nommer.

La couleur est donc une réalité naturelle et les débats anthropologiques sur la perception culturelle de la couleur conduisent à se demander dans quelle mesure la nature détermine les systèmes de dénomination. C’est peut-être parce que la couleur est considérée comme si naturelle que les études préconisant une différence minimale entre la physique supposée des couleurs et leurs noms culturels sont encore largement suivies, surtout les cognitivistes.
Depuis l’étude classique de Brend Berlin et Paul Kay[1] sur ce sujet, ainsi que ses amendements ultérieurs, suivis par la recherche psychologique sur la prototypicité des couleurs menée par Eleonor Rosch Heider[2] et ses disciples dans les années 1970, on considère qu’il existe une terminologie de base commune pour les couleurs dans toutes les langues, avec des niveaux de complexité selon un modèle évolutif[3]. Contre cette tendance, qui rappelle trop les approches évolutionnistes d’une anthropologie coloniale que l’on croyait à jamais disparue, une autre ligne de recherche, aussi actuelle que la précédente, notamment en psychologie expérimentale[4], pointe plutôt la variété culturelle des modes de découpage de la gamme chromatique en fonction de la diversité linguistique.
Il serait trop long de résumer l’un des débats les plus animés auxquels se sont livrées les