Fables

Fables politiques

Philosophe, écrivain, membre fondateur du Parti communiste italien

On savait que Gramsci était un écrivain. Mais beaucoup moins qu’il écrivait des contes et fables, dont il émaillait ses articles ou lettres. On doit à Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini d’avoir fait la lumière, dans les colonnes d’AOC, sur les utilisations fallacieuses de Gramsci par l’extrême droite. Ils traduisent et présentent aujourd’hui sept récits brefs et inédits, qui illustrent leur fonction : une continuation de la politique par d’autres moyens.

Dans ses articles de jeunesse puis dans ses écrits d’intervention politique, dans ses textes théoriques et dans ses lettres, l’auteur des Cahiers de prison, Antonio Gramsci, dirigeant communiste condamné par le régime fasciste, pratiqua tout au long de sa vie diverses formes d’écriture. Grand lecteur, il chérissait les genres narratifs brefs : fables, contes, apologues, nouvelles. Au point que lorsqu’il reçut enfin la permission d’écrire en prison, ce par quoi il commença fut une traduction des contes des frères Grimm (de février 1929 jusqu’à janvier 1932, dans trois des quatre cahiers uniquement consacrés à ses traductions).

L’une des raisons de cette prédilection est sans doute à chercher dans le double aspect de ces récits brefs : savants et populaires, ils relèvent simultanément des plus anciennes traditions littéraires et de cet « esprit populaire créateur » auquel Gramsci consacra une large part de sa réflexion durant ses années en prison.

Nous avons sélectionné et traduit pour AOC sept textes qui illustrent ce qui semble bien être, pour Gramsci, l’une des principales fonctions du récit bref : une continuation de la politique par d’autres moyens. Moyens poétiques, souvent ironiques, légers mais profonds, susceptibles de livrer ce qu’on pourrait appeler une « morale politique » de la fable.

Il s’agit ici de réécritures ou d’adaptations de récits préexistants.

Réécritures de fables et contes issus du patrimoine narratif mondial – depuis le Panchatantra de l’Inde du IIIe siècle avant notre ère (« Not’ Maire »), jusqu’aux Fables de la Fontaine (« Le Grelot »), en passant par la Castille médiévale de El Conde Lucanor de Don Juan Manuel (« Les corbeaux et les hiboux ») – ou réécriture d’une nouvelle de Lucien Jean, un écrivain français, prolétaire et militant (Lettre à Giulia du 27 juin 1932).

Mais aussi adaptations de récits que Gramsci a pu entendre dans des circonstances précises (« Diamantino », « La réaction italienne ») ou à l’époque de son enfance sarde (Lett


[1] Avanti !, journal fondé en 1896, est l’organe du Parti socialiste italien (PSI), imprimé à Rome et à Milan. À partir de décembre 1915, Gramsci fait partie de la rédaction turinoise. Parallèlement, il écrit dans l’hebdomadaire turinois du PSI, Il Grido del popolo (« Le Cri du peuple »), dont il devient de fait le rédacteur en chef en septembre 1917, après l’arrestation de nombreux dirigeants socialistes turinois consécutive au mouvement populaire « pour le pain et la paix » de fin août 1917. Il fonde L’Ordine Nuovo (« L’Ordre nouveau. Revue hebdomadaire de culture socialiste ») le 1er mai 1919. En janvier 1921, L’Ordine Nuovo devient un des quotidiens du Parti communiste d’Italie.

[2] Voir note 1.

[3] Les articles publiés pendant la guerre sont soumis à la censure qui blanchit les passages incriminés au moment de l’impression. Dans les éditions postérieures, les passages censurés sont parfois rétablis à partir des épreuves d’imprimerie, comme c’est le cas pour « La réaction italienne » où les crochets carrés indiquent la censure. Quand les épreuves d’imprimerie n’ont pas été retrouvées, comme c’est le cas pour « Diamantino », la lacune est indiquée.

[4] Le super-décret Sacchi, du nom du ministre de la justice Ettore Sacchi, promulgué le 4 octobre 1917, entendait réprimer « des faits préjudiciables à l’intérêt national » : il s’agissait en clair de lutter contre toute forme de « défaitisme ». Le secrétaire politique du PSI, Costantino Lazzari, avait été arrêté, en vertu de ce décret, le 24 janvier 1917 ; condamné à deux ans de prison, il fut libéré avec l’abrogation du décret Sacchi après la fin de la guerre.

[5] Voir la note 3.

[6] Giulia Schucht (1896-1980) est l’épouse d’Antonio Gramsci et la mère de ses deux fils, Delio (né le 10 août 1924) et Giuliano (né le 30 août 1926). Antonio et Giulia se sont connus en septembre 1922 au sanatorium du « Bois d’Argent », près de Moscou, où Antonio et la sœur de Giulia, Eugenia, étaient hospitalisés.

[7] Lucien Jean, L’hom

Antonio Gramsci

Philosophe, écrivain, membre fondateur du Parti communiste italien

Rayonnages

FictionsNouvelle

Notes

[1] Avanti !, journal fondé en 1896, est l’organe du Parti socialiste italien (PSI), imprimé à Rome et à Milan. À partir de décembre 1915, Gramsci fait partie de la rédaction turinoise. Parallèlement, il écrit dans l’hebdomadaire turinois du PSI, Il Grido del popolo (« Le Cri du peuple »), dont il devient de fait le rédacteur en chef en septembre 1917, après l’arrestation de nombreux dirigeants socialistes turinois consécutive au mouvement populaire « pour le pain et la paix » de fin août 1917. Il fonde L’Ordine Nuovo (« L’Ordre nouveau. Revue hebdomadaire de culture socialiste ») le 1er mai 1919. En janvier 1921, L’Ordine Nuovo devient un des quotidiens du Parti communiste d’Italie.

[2] Voir note 1.

[3] Les articles publiés pendant la guerre sont soumis à la censure qui blanchit les passages incriminés au moment de l’impression. Dans les éditions postérieures, les passages censurés sont parfois rétablis à partir des épreuves d’imprimerie, comme c’est le cas pour « La réaction italienne » où les crochets carrés indiquent la censure. Quand les épreuves d’imprimerie n’ont pas été retrouvées, comme c’est le cas pour « Diamantino », la lacune est indiquée.

[4] Le super-décret Sacchi, du nom du ministre de la justice Ettore Sacchi, promulgué le 4 octobre 1917, entendait réprimer « des faits préjudiciables à l’intérêt national » : il s’agissait en clair de lutter contre toute forme de « défaitisme ». Le secrétaire politique du PSI, Costantino Lazzari, avait été arrêté, en vertu de ce décret, le 24 janvier 1917 ; condamné à deux ans de prison, il fut libéré avec l’abrogation du décret Sacchi après la fin de la guerre.

[5] Voir la note 3.

[6] Giulia Schucht (1896-1980) est l’épouse d’Antonio Gramsci et la mère de ses deux fils, Delio (né le 10 août 1924) et Giuliano (né le 30 août 1926). Antonio et Giulia se sont connus en septembre 1922 au sanatorium du « Bois d’Argent », près de Moscou, où Antonio et la sœur de Giulia, Eugenia, étaient hospitalisés.

[7] Lucien Jean, L’hom