Cinéma

Larissa Chepitko, figures de l’héroïsme

Critique

Aux côtés d’Andreï Tarkovski ou Alexeï Guerman, Larissa Chepitko a profité du dégel cinématographique pour interroger l’histoire collective du régime de 1917. La sortie en copie restaurée de son dernier film L’Ascension (1977) offre l’occasion de revenir sur l’œuvre de cette réalisatrice ukrainienne trop méconnue.

Décédée sur le tournage des Adieux à Matiora (Elem Klimov, 1981), Larissa Chepitko (1938-1979) est passée comme une étoile filante dans le ciel soviétique. Élève d’Alexandre Dovjenko au VGIK, école de cinéma moscovite, elle participe d’une génération de cinéastes soviétiques qui jouit de l’assouplissement des règles de la censure. Aux côtés d’Andreï Tarkovski, Elem Klimov, Gleb Panfilov ou Alexeï Guerman, elle profite du dégel cinématographique pour interroger l’histoire collective du régime de 1917.

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Malgré sa brève carrière constituée de quatre longs-métrages de fiction, elle a assumé un style poétique qui s’est vu couronné de l’Ours d’or de la Berlinale en 1977 pour L’Ascension, son dernier film. À l’occasion de la sortie de la copie restaurée de ce chef d’œuvre méconnu, il nous a paru opportun de revenir en profondeur sur une œuvre qui a à cœur de requalifier le héros soviétique après les atermoiements de l’histoire, le moment stalinien au premier chef.

Chaleur torride et Les Ailes : la mélancolie du héros

À la sortie de ses études, Larissa Chepitko tourne au Kirghiztan Chaleur torride (1963) qui détourne d’emblée un genre-phare du cinéma soviétique : le film de kolkhoze. Au début des années 1960, le cinéma kirghize se voit revitalisé : ce qu’on appelle le « miracle kirghize » donne lieu à un certain nombre de westerns tournés dans les steppes d’Asie centrale ainsi qu’à la production de films de cinéastes venus de Moscou. C’est le cas pour Larissa Chepitko qui doit confirmer son cursus avec son premier long-métrage. On y suit un jeune homme, Kemal, à la fin de ses études, intègre une communauté agricole et se confronte à Abakir, un membre de la brigade. Abakir a reçu, longtemps auparavant, des récompenses nationales pour son ardeur au travail et sa maîtrise sans faille des outils de production. Il se révèle despotique, brimant et humiliant Kemal mais aussi l’entièreté du kolkhoze, sa femme y compris.

Chaleur torride témoigne d’abord de l’attrait de Lari


[1] D’ailleurs, un film de Gleb Panfilov, Je demande la parole (1976), présente une ancienne tireuse sportive remplir les fonctions d’édile. Sa mission politique s’examine à l’aune de ses exploits passés dans une URSS où les sportifs remplaces les héros de la révolution. Les mécanismes décrits dans Les Ailes s’y retrouvent.

[2] L’idée de « nomenklatura », classe dirigeante soviétique, allie justement le mérite et la position politique. Les listes de « camarades méritants » se fondaient sur leurs origines sociales et leur adhésion au Parti.

[3] Au commencement de l’invasion allemande, Joseph Staline met fin à la politique anti-religieuse qu’il a initié à la fin des années 1920. Si toute la patrie doit participer à l’effort de guerre, il n’est pas question de lutter contre les traditions ancestrales du pays.

[4] Les sovkhozes ont aussi été mis en place lors de la dékoulakisation mais, alors que le kolkhoze transforme la propriété privée en propriété collective, le sovkhoze se compose parfois de lopins de terre privés. Cette dynamique résulte de l’opposition entre le petit paysan et le propriétaire terrien, marquant le servage avec lequel rompt la révolution de 1917.

Élias Hérody

Critique

Rayonnages

Cinéma Culture

Notes

[1] D’ailleurs, un film de Gleb Panfilov, Je demande la parole (1976), présente une ancienne tireuse sportive remplir les fonctions d’édile. Sa mission politique s’examine à l’aune de ses exploits passés dans une URSS où les sportifs remplaces les héros de la révolution. Les mécanismes décrits dans Les Ailes s’y retrouvent.

[2] L’idée de « nomenklatura », classe dirigeante soviétique, allie justement le mérite et la position politique. Les listes de « camarades méritants » se fondaient sur leurs origines sociales et leur adhésion au Parti.

[3] Au commencement de l’invasion allemande, Joseph Staline met fin à la politique anti-religieuse qu’il a initié à la fin des années 1920. Si toute la patrie doit participer à l’effort de guerre, il n’est pas question de lutter contre les traditions ancestrales du pays.

[4] Les sovkhozes ont aussi été mis en place lors de la dékoulakisation mais, alors que le kolkhoze transforme la propriété privée en propriété collective, le sovkhoze se compose parfois de lopins de terre privés. Cette dynamique résulte de l’opposition entre le petit paysan et le propriétaire terrien, marquant le servage avec lequel rompt la révolution de 1917.