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L’Équateur, hub stratégique au cœur de la guerre mondiale contre la cocaïne

Politiste

Longtemps épargné par les dynamiques criminelles qui sévissent en Colombie et au Pérou voisins, l’Équateur a basculé dans une spirale de violence inquiétante. Une crise qui questionne la stabilité même du pays, mais aussi les conséquences pour l’Amérique latine, l’Amérique du Nord, l’Europe et même l’Asie, et suscite donc un intérêt international.

L’Équateur est devenu le pays le plus meurtrier d’Amérique du Sud avec un taux alarmant de 44,5 morts pour 100 000 habitants en 2023. Cette montée en flèche de la violence reflète une crise sécuritaire profonde, caractérisée par des attaques ciblées contre des personnalités politiques, avec 93 assassinats ou tentatives depuis 2022, ainsi que des saisies record de cocaïne, atteignant 197 tonnes en 2023, le deuxième chiffre le plus élevé au monde après la Colombie.

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Tandis que l’État s’efforce de lutter contre la corruption qui le ronge, les gangs équatoriens ont réagi avec une rapidité déconcertante en janvier 2024 : l’évasion de prison des deux chefs des principaux gangs, une prise d’otages dans un studio de télévision et l’assassinat en plein jour du procureur responsable des affaires ont secoué le pays. En réponse, le jeune président Daniel Noboa a déclaré un état de « conflit armé interne » contre vingt-deux organisations criminelles qualifiées de « terroristes », intensifiant ainsi la réponse de l’État qui avait jusqu’alors géré les explosions de violence par la proclamation d’états d’urgence.

La reconfiguration des routes de la cocaïne

Le marché des drogues illégales demeure l’un des secteurs où le capitalisme néolibéral est le plus abouti, où les profits sont les plus nombreux face aux risques du métier, où la concurrence est la plus sauvage. La géopolitique de la cocaïne permet d’étudier la place de l’Équateur en se concentrant sur deux phénomènes : d’une part, la diversification des itinéraires sud-américains de cette drogue vers les États-Unis et vers l’Eurasie, et d’autre part, l’évolution de la structure de sa chaîne de production, de transformation et de distribution.

Dès le début des années 2000, les cartels mexicains et la mafia calabraise Ndrangheta s’intéressent à l’Équateur. Comme l’a mis en lumière Sunniva Labarthe dans son analyse, les principaux « avantages comparatifs » du pays résident dans sa dollarisation (depuis le 1er janvier 2000)


[1] Malgré une abstention de 30% du corps électoral, les neuf questions (sur 11) proposant des mesures de durcissement de la politique sécuritaire ont toutes été approuvées avec des scores compris entre 59 et 72%. Elles couvrent une variété d’aspects dont : une augmentation du spectre d’action et des droits reconnus aux forces de l’ordre au nom de la lutte contre le crime organisé, la possibilité d’extrader des prévenus équatoriens, une augmentation des peines graves et la suppression de la libération conditionnelle dans les cas les plus graves, l’usage des armes et biens saisis par l’État et ses forces de l’ordre. Voir Rédaction Plan V, « Consulta popular 2024 : Ganadores y Perdedores », Plan V, 25 avril 2024.

[2] Les deux affaires en cours sont : l’affaire « Reconstrucción » qui met en cause l’opportunité de certains contrats publics-privés passés dans le contexte de la reconstruction de la côte pacifique après le tremblement de terre d’avril 2015, et l’affaire « Singue » (rouverte) qui questionne les termes désavantageux de contrat d’exploitation pétrolière dans cette partie de l’Amazonie.

Lucie Laplace

Politiste, Doctorante en Science politique, Université Lumière Lyon 2

Notes

[1] Malgré une abstention de 30% du corps électoral, les neuf questions (sur 11) proposant des mesures de durcissement de la politique sécuritaire ont toutes été approuvées avec des scores compris entre 59 et 72%. Elles couvrent une variété d’aspects dont : une augmentation du spectre d’action et des droits reconnus aux forces de l’ordre au nom de la lutte contre le crime organisé, la possibilité d’extrader des prévenus équatoriens, une augmentation des peines graves et la suppression de la libération conditionnelle dans les cas les plus graves, l’usage des armes et biens saisis par l’État et ses forces de l’ordre. Voir Rédaction Plan V, « Consulta popular 2024 : Ganadores y Perdedores », Plan V, 25 avril 2024.

[2] Les deux affaires en cours sont : l’affaire « Reconstrucción » qui met en cause l’opportunité de certains contrats publics-privés passés dans le contexte de la reconstruction de la côte pacifique après le tremblement de terre d’avril 2015, et l’affaire « Singue » (rouverte) qui questionne les termes désavantageux de contrat d’exploitation pétrolière dans cette partie de l’Amazonie.