Ginzburg et Moretti – sur Diari d’amore de Nanni Moretti
Ce sont deux frontalités qui se rencontrent, celle de Nanni Moretti, celle de Natalia Ginzburg, sur une scène de théâtre dépouillée, plongée tantôt dans une lumière crue, tantôt dans le noir. Ce sont deux sexes qui se rencontrent. Ce sont l’homme et la femme. Et le drame qui se noue, toujours déjà noué, joué et rejoué entre eux est l’histoire d’un rapport infini. Deux corps, deux voix.

La femme, c’est une Natalia Ginzburg presque inconnue, l’écrivaine de théâtre prise dans la société italienne de la fin des années soixante, intellectuelle, femme de lettres, femme émancipée et politisée par son passé de lutte avec son mari résistant, Leone Ginzburg, mort en 1944 torturé et assassiné par les nazis, par son présent, un métier d’éditrice, d’auteure à part entière, par son futur déjà en germe de députée indépendante dans les années 1980, aux côtés des communistes sans être membre du parti.
Si son œuvre narrative (publiée entre 1933 et 1984) est aujourd’hui mieux connue, si son visage n’est pas inconnu des cinéphiles (au moment précis où elle écrivit sa première pièce, elle incarna Marie de Béthanie dans L’Évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini, dont elle était l’amie, une simple femme muette lissant les cheveux du Christ avec une huile parfumée, sous les yeux magnifiquement extasiés de son second mari, Gabriele Baldini, mêlé à la troupe des figurants), son théâtre reste très méconnu en France, formé de dix comédies brèves, dont certaines en un acte : Ti ho sposato per allegria, écrite en juillet 1964, L’inserzione, en novembre 1965, Fragola e panna, en octobre 1966, La segretaria, en novembre 1967, Paese di mare et La porta sbagliata en 1968, Dialogo, écrite directement pour la télévision en 1970, La parrucca en 1971, La poltrona en 1985, L’intervista en 1988.
L’homme, c’est le cinéaste Moretti venant au théâtre par la mise en scène de deux de ces pièces, lui aussi pris dans la société italienne, mais soixante ans plus tard, à l’heure où les femme