Politique

Redéfinir le travail et le mobiliser pour battre l’extrême droite

Sociologue, Économiste

Retour sur la mise en pratique de l’économie sociale et solidaire dans un contexte où employeurs et salariés ont un intérêt commun. À quelques jours du premier tour des législatives, la mobilisation contre l’extrême droite peut aussi se faire sur le temps de travail !

Prendre du temps, sur son temps de travail salarié, pour convaincre d’autres personnes de ne pas voter pour l’extrême droite. C’est ce que font les salariés d’une société coopérative de production de la région Hauts-de-France. Pendant la courte période législative, qui fait suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, ils et elles ont non seulement décidé collectivement de se dégager du temps pour pouvoir militer, mais aussi de rémunérer ce temps de travail militant.

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Si les membres de cette structure ont pu prendre cette décision, c’est que dans cette « SCOP » (sociétés coopératives et participatives autrefois sociétés coopératives ouvrières de production), les salariés sont également sociétaires de la structure. Ils possèdent des parts de l’entreprise, en sont les propriétaires et sont donc leurs propres patrons. Libre à eux d’organiser le travail et d’en déterminer collectivement le contenu.

Pour leur éviter d’éventuelles représailles, nous tairons ici le nom de leur coopérative, mais leur décision mérite d’être saluée, et l’idée d’intégrer l’action politique au travail quotidien d’une entreprise engagée est très intéressante. Cela fait écho à de nombreuses expériences racontées dans le livre que nous avons écrit sur l’économie sociale et solidaire (ESS), Travailler sans patron[1] , mais aussi à ce que relate le sociologue Michel Lallement dans son livre Désir d’égalité publié en 2019. Dans l’ESS, certaines organisations redéfinissent le travail. Ce qui est considéré comme « travail » et qui est compté dans les heures de travail salarié (et donc rémunéré), n’est pas seulement le travail productif, mais aussi les temps de formation, le travail domestique ou encore le militantisme.

Alors que la campagne des législatives doit se faire dans un temps record, face à l’extrême droite, soutenue par des milliardaires et leurs médias, qui menace de gagner le pouvoir, il y a urgence. Le monde du travail doit se mobiliser et il faut mobiliser le travail. Il faut


[1] Simon Cottin-Marx, Baptiste Mylondo, Travailler sans patron. Mettre en pratique l’économie sociale et solidaire, Folio Actuel, Gallimard, 2024.

[2] Michel Lallement, Un désir d’égalité. Vivre et travailler dans des communautés utopiques, Seuil, coll. « La Couleur des idées », 2019.

[3] Michel Lallement, « Les communautés intentionnelles : des utopies concrètes du travail », entretien réalisé par Simon Cottin-Marx et Auréline Cardoso, Mouvements, n° 106, 2021, p. 110-120.

[4] Ibid.

Simon Cottin-Marx

Sociologue, Maître de conférences au CNAM et membre du Laboratoire Interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE)

Baptiste Mylondo

Économiste, Enseignant à Sciences Po Lyon

Notes

[1] Simon Cottin-Marx, Baptiste Mylondo, Travailler sans patron. Mettre en pratique l’économie sociale et solidaire, Folio Actuel, Gallimard, 2024.

[2] Michel Lallement, Un désir d’égalité. Vivre et travailler dans des communautés utopiques, Seuil, coll. « La Couleur des idées », 2019.

[3] Michel Lallement, « Les communautés intentionnelles : des utopies concrètes du travail », entretien réalisé par Simon Cottin-Marx et Auréline Cardoso, Mouvements, n° 106, 2021, p. 110-120.

[4] Ibid.