Politique

La politique et son envers

Philosophe

Le fait que l’extrême-droite ait été sur le point d’arriver au pouvoir par les urnes conduit à s’interroger sur les conditions de possibilité du jeu politique moderne. On peut voir celui-ci comme un rituel, où le clivage gauche-droite opère une disjonction autour de laquelle se répartissent des positions symboliques asymétriques, dont l’enjeu est le rapport à la justice et à la violence. Cela fait apparaître la responsabilité de la gauche dans la conjoncture présente.

La catastrophe qui a failli s’abattre sur la France impose, malgré la stupeur et le soulagement, un effort d’analyse à la hauteur de l’événement. En effet, alors même qu’on le voyait venir de longue date, le désastre du premier tour a été amplifié par sa soudaineté, la campagne des législatives ayant commencé au soir même du résultat des européennes, empêchant qu’on puisse tirer les enseignements de ces dernières.

publicité

En mettant à mal le débat public, cette accélération a néanmoins révélé certains éléments essentiels du jeu politique lui-même, qu’il est utile de mettre en lumière, en essayant d’employer, sur notre propre société, certains concepts anthropologiques. En effet, la banalisation de l’extrême-droite, et la séduction qu’elle exerce, viennent de loin, sans qu’il ait faille y revenir en détail. Son succès relatif n’en est pas moins une déflagration qui menace rien moins que qu’une certaine façon de faire de la politique.

De manière largement consensuelle – un consensus que le personnel politique s’est complu, depuis 2002, à exploiter jusqu’à la rupture – il semblait clair depuis la Libération que l’extrême-droite ne pouvait signifier rien d’autre que la haine de la liberté et l’avilissement général.  Ses idées étaient si marginalisées que, au-delà de l’éloignement temporel et de la perte de la mémoire collective, on a réellement perdu de vue les raisons qui peuvent motiver une partie de la population, non seulement à confondre grandeur et abaissement, mais bel et bien à vouloir activement sa propre aliénation. Le moment que nous vivons pose donc en ce sens le problème non seulement de la pertinence de tel ou tel projet politique, mais plus fondamentalement du sens même de la politique, en tant qu’action collective, « jeu » que nous menons en commun.

Le jeu politique, notre rituel

Nous pouvons ainsi prendre conscience que faire de la politique avait toujours été aussi, implicitement et concomitamment, lutter contre la destruction de la possibilité même


Thomas Boccon-Gibod

Philosophe, Maître de conférences en philosophie du droit à l'Université Grenoble Alpes

Mots-clés

DroiteGauche