Opéra

Il Primo Omicidio : Castellucci et Jacobs aux origines de la violence

Critique

Après le Moses und Aaron de Schönberg qui a beaucoup fait parler de son taureau sur la scène de l’Opéra Bastille (2015) et une Jeanne au Bûcher de Honegger qui finissait nue sur la scène de l’Opéra de Lyon (2017), Romeo Castelucci poursuit son travail de mise en scène d’opéra et d’exégèse par les images à travers la figure de Caïn. Avec René Jacobs à la direction du B’Rock Orchestra, l’Opéra de Paris propose une interprétation de l’oratorio à six voix d’Alessandro Scarlatti, Il Primo Omicidio qui privilégie le double au simple, la métaphysique au sacré et la question de la représentation à celle de l’invention de la mort.

L’histoire du meurtre origine, ce sont 15 versets du chapitre 4 de la Genèse. Adam et Eve sont déjà chassés du paradis. Eve a en enfanté dans la douleur : Caïn, l’aîné, laboure à la sueur de son front et se voit refuser une offrande par Dieu. Abel, le cadet, sacrifie l’aîné de son troupeau, qui est accepté par Dieu. La vexation mortelle de Caïn se voit sur son visage ; il emmène son frère dans un  champ et le tue.

La version de ce fratricide originel de René Jacobs et Romeo Castellucci est faussement sage, vraiment belle et plus transgressive que la présence des enfants adorables de la maîtrise des Hauts de Seine et du chœur de l’Opéra de Paris ne pourraient laisser l’imaginer.

  • Baptême « BaRock » pour René Jacobs à l’Opéra de Paris

Pur produit de la contre-réforme, sur un livret de l’écrivain et mécène Antonio Ottoboni, l’oratorio du compositeur napolitain Alessandro Scarlatti (père du Domenico des fameuses Sonates pour clavecin) agrémente et fait entendre le message biblique sous la forme d’une œuvre musicale pour six voix où cela chante … tout le temps ! René Jacobs avait retrouvé la partition à la Bibliothèque du Conservatoire de Bâle quand il enseignait dans cette ville, parmi les quelques 900 œuvres pour voix qu’il attribue au prolifique compositeur. Il avait été marqué par le titre et avait enregistré ce Primo Omicidio avec la Alte Musik Berlin en 1998…

C’étaient encore les grandes heures du renouveau du baroque et de sa renaissance sur instruments anciens. Vingt ans après, pour sa première direction à l’Opéra de Paris à la tête du B’Rock Orchestra, formé en 2005 à Gand pour démocratiser la musique ancienne, la création contemporaine et… Schubert, Jacobs est peut-être encore plus flamboyant que dans cette version princeps du meurtre originel.

Sur la scène de l’Opéra Garnier, ils sont donc dix à raconter : Adam (le ténor Thomas Walker), Eve (la puissante soprano Brigitte Christensen), Caïn et Abel, bien sûr (les deux mezzo-sopranos Kristina Hammarström et O


Yaël Hirsch

Critique