Justice

La loi Anticasseurs, nouvel outil du mécano autoritaire

Avocat au barreau de Paris

La loi dite « anticasseurs » vient d’être votée en première lecture à l’Assemblée Nationale, nouvel épisode du glissement progressif de la justice vers des pratiques judiciaro-administratives. Elle confère ainsi à des autorités dépendantes de l’État un pouvoir jusqu’ici réservé à des juges indépendants, au nom de l’ordre public, et révèle l’instauration progressive d’une praxis répressive et autoritaire.

À l’origine proposition de loi du groupe Les Républicains, le projet de loi dit « anticasseurs » a fait l’objet d’un vote solennel le 5 février 2019 par l’Assemblée nationale et devra retourner au Sénat en deuxième lecture. Il faut en retenir trois mesures légales principales. En premier lieu, il consacre la pratique judiciaire des contrôles d’identité et de perquisitions sur réquisition du parquet aux abords de la manifestation, pratique qui a permis notamment les nombreuses interpellations « préventives » constatées pendant le mouvement des gilets jaunes. Il instaure un régime administratif d’interdictions individuelles de manifester. Enfin, il étend le champ pénal en créant un nouveau délit de dissimulation partielle ou intégrale du visage dans une manifestation où des violences ont été commises, et autorise le juge judiciaire à prononcer une peine complémentaire d’interdiction de manifester pour de nombreux délits.

Ce texte législatif, et en particulier l’interdiction individuelle de manifester, a suscité de nombreuses oppositions y compris au sein de la majorité parlementaire qui a vu un certain nombre de ses députés s’abstenir et menacer de s’y opposer si ce texte devait rester en l’état lors du prochain passage à l’Assemblée nationale. Les plus grandes voix du monde juridique, à l’instar de Henri Leclerc, François Sureau, Patrice Spinosi, les associations de défense des droits humains, et de nombreuses personnalités politiques, syndicales ou universitaires ont dénoncé son caractère profondément liberticide.

Au-delà de ce déséquilibre qu’il instaure au profit de l’État et au détriment du principe constitutionnel du droit à l’expression collective des opinions, ce texte doit d’abord s’appréhender dans la perspective plus générale de la création d’une collection d’outils autoritaires au sein du corpus légal et réglementaire par ce que l’on peut désormais appeler l’appareil judiciaro-administratif, et éventuellement favoriser une réflexion de philosophie politiq


Arié Alimi

Avocat au barreau de Paris, Spécialisé en droit pénal et libertés publiques, membre du bureau national de la LDH