40 ans de République islamique en Iran : un état des lieux idéologique
Il y a quarante ans, l’Iran se dotait d’un système politique basé sur une idéologie, rompant ainsi avec une tradition impériale. Ce système inédit, le khomeynisme, repose sur le velayat-e faqih, la « tutelle du juriste-théologien », une idéologisation moderne du chiisme érigé en absolu, censé mener au salut de l’humanité, mais aussi et surtout, faire de l’Iran un îlot de Bien dans un monde en décadence.

Cette vision n’aura dessiné les contours de la politique externe de l’Iran que bien peu de temps : quand la guerre Iran-Irak éclate en 1980, soit un an après l’instauration du régime chiite en Iran, la République des mollahs est rappelée aux réalités géostratégiques. L’Ayatollah Khomeyni visait la reconstitution de la grande umma, à savoir de la communauté musulmane idéale, étrangère à la notion de frontières mais aussi à la distinction entre sunnites et chiites. La guerre contre l’Irak aura balayé cette aspiration au profit d’une sacralisation de la Nation iranienne, et sa défense sacrée – la defâ-e moghaddas – n’a reculé devant aucune méthode pour sanctuariser le territoire, pas même devant la création d’une arme de guerre inédite : le martyr.
Si le régime iranien semble aujourd’hui plier sans rompre, peut-on en dire autant de la vivacité de son idéologie ? Comment le modèle idéologique a-t-il évolué en quatre décennies ? Comment expliquer qu’il ne fasse pratiquement plus d’émules à l’intérieur du pays, mais qu’il connaisse un succès non-négligeable à l’extérieur des frontières iraniennes ?
Aujourd’hui, l’Iran ne semble plus miser que sur son statut de puissance régionale, sur l’investissement du rôle du grand protecteur et défenseur des chiites opprimés dans le monde, voire de tous les abrahamismes – christianisme ou judaïsme – victimes de l’ennemi numéro Un de l’Iran chiite, à savoir le djihadisme sunnite. La lecture sunnite-chiite de la région devient un levier stratégique que l’Iran autant que son grand rival régional saoudien, active plus pragmatiquement qu’i