cinéma

Les enfants terribles – sur Eat The Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

Critique

Poggi et Vinel quittent cette fois le soleil du sud-ouest de Jessica forever, leur premier long métrage, pour ancrer Eat The Night dans les zones périurbaines du Havre, plombées par des ciels inlassablement bas et lourds – et faire cohabiter naïveté enfantine et le film de genre testostéroné.

« Il était une fois, il était deux fois » … dans Céline et Julie vont en bateau, les héroïnes de Jacques Rivette gobent de petits bonbons pour quitter le réel et vivre de grandes aventures. Si le couple Caroline Poggi et Jonathan Vinel ne se revendique pas comme des héritiers du cinéaste de la Nouvelle Vague, leur deuxième long métrage épouse néanmoins l’idée centrale de son film de 1974 : pour que la magie de la fiction opère, il suffit de la gober.

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Au sens propre. Ce qu’avale Pablo (Théo Cholbi) dans Eat The Night, ce sont les drogues de synthèse qu’il fabrique lui-même à l’écart de la ville. On pouvait supposer que les friandises hallucinatoires que prenaient les deux hippies Céline et Julie n’étaient pas faites que de sucre. L’ecstasy dit, elle, explicitement son nom dans Eat The Night.

Les personnages n’en sont pas moins, dans ces deux films, des enfants grandis trop vite, propulsés dans un monde aussi violent à l’intérieur qu’à l’extérieur. Pablo, pris pour cible par une bande de dealers qui lui reproche de s’affranchir des lois territoriales en vigueur dans ce type de négoce, est passé à tabac pour avertissement. Céline et Julie jouent elles à se prendre pour Musidora, la prêtresse du gang meurtrier des Vampires dans le feuilleton primitif de Louis Feuillade, mais pour accomplir leurs forfaits, elles sont montées sur patins à roulettes. Eat The Night fait cohabiter un goût semblable pour la naïveté enfantine et le film de genre testostéroné. Si l’on en croit son synopsis, on serait dans le pur thriller de dope alternant poursuites et bagarres dans la tradition de The French Connection de William Friedkin ou de la meilleure série de tous les temps, The Wire de David Simon. Eat The Night repose sur le conflit entre un héros solitaire et une organisation marquée par une structure pyramidale et des règles indiscutables. Le genre raconte ici une violence sociale, celle de quartiers urbains sans espoir où le commerce illicite est soumis aux mêmes glisseme


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