Rendons la ville aux enfants !
Dans les années 50, on pouvait voir des enfants parcourir librement les rues, créer des cabanes dans les friches. On se souvient des célèbres photos de Robert Doisneau, montrant le plus souvent des petits garçons, courant dans les rues, jouant au cochon pendu. Leur périmètre d’autonomie pour voler de leurs propres ailes était de 4 km[1].

Les enfants avaient souvent pour mission d’aller chercher le pain, le lait, de passer chez l’épicier avec quelques francs confiés par leurs parents. Mais petit à petit, dehors, les enfants ont disparu. Leur pratique autonome de l’espace public a considérablement diminué. On la considère aujourd’hui proche de zéro pour les plus jeunes.
L’enfant est assigné à domicile, souvent derrière un écran. Finie l’aventure, les cabanes improvisées, les cachettes. Les enfants d’aujourd’hui sont conduits à l’école en trottinette, téléguidés par un manche, comme tenus en laisse. Même problématique pour les adolescents[2] : dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, 97 % des enfants de l’élémentaire et 77 % des enfants du collège sont accompagnés par un adulte pour des trajets de moins d’1 km (pour 46 % des trajets domicile-école), et en voiture pour la moitié d’entre eux[3].
La ville aux enfants se limite désormais à quelques aires de jeux fermées. C’est ce qu’on appelle la ville fonctionnaliste. Particulièrement inconfortables pour les enfants comme pour les accompagnants, ces espaces clos, sont souvent exposés aux intempéries (ni abri en cas de pluie, ni protection solaire). Ils ne sont pas non plus conçus pour permettre aux adultes d’interagir entre eux, les quelques assises prévues sont généralement toutes orientées vers les jeux pour une surveillance optimale des petits. Les aménagements sont codifiés, les espaces hyper-normés pour répondre à des règles très strictes, de sécurité notamment (sols souples, hauteurs limitées, matériaux…) La plupart du temps, les jeux proposés sont des projections issues de l’imaginaire des ad